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Note

Pour une politique du carbone vivant

La crise sanitaire que nous vivons vient de loin : de l’effondrement de la biodiversité et de la pression que nous exerçons sur les écosystèmes qui ont favorisé l’éclosion de la maladie, lit-on ici ou là, de l’explosion du trafic aérien qui accélère sa diffusion, de la réduction des moyens de l’hôpital, de l’imprévoyance face au risque pandémique, de l’insuffisance de la coopération internationale en matière de santé, qui ont rendu un confinement sévère nécessaire malgré ses conséquences économiques et sociales. Cette crise révèle donc de manière brutale et soudaine les limites de choix effectués à bas bruit, qui sont pourtant des choix de société quand ils accroissent la vulnérabilité des sociétés contemporaines. L’arrêt de l’activité industrielle et des transports a par ailleurs conduit à redécouvrir le poids des épandages agricoles et du chauffage au bois dans les émissions de particules fines, dont le niveau est resté plus élevé que prévu. Cette crise a donc révélé notre besoin d’accroître notre résilience, d’accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre, la transformation des pratiques agricoles, l’optimisation des usages du bois, tout en disposant de productions locales, notamment pour nos produits de première nécessité, à commencer par les produits agricoles et agroalimentaires. Tirer les leçons de la crise suppose alors d’accélérer la transition écologique et de repenser la politique agricole à cette lumière, donc de proposer enfin une véritable politique du carbone vivant. C’est à cet objectif qu’entend contribuer cette note de François Kirstetter pour Terra Nova.
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La crise sanitaire que nous vivons vient de loin : de l’effondrement de la biodiversité et de la pression que nous exerçons sur les écosystèmes qui ont favorisé l’éclosion de la maladie, lit-on ici ou là, de l’explosion du trafic aérien qui accélère sa diffusion, de la réduction des moyens de l’hôpital, de l’imprévoyance face au risque pandémique, de l’insuffisance de la coopération internationale en matière de santé, qui ont rendu un confinement sévère nécessaire malgré ses conséquences économiques et sociales. Cette crise révèle donc de manière brutale et soudaine les limites de choix effectués à bas bruit, qui sont pourtant des choix de société quand ils accroissent la vulnérabilité des sociétés contemporaines.

L’arrêt de l’activité industrielle et des transports a par ailleurs conduit à redécouvrir le poids des épandages agricoles et du chauffage au bois dans les émissions de particules fines, dont le niveau est resté plus élevé que prévu.

Cette crise a donc révélé notre besoin d’accroître notre résilience, d’accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre, la transformation des pratiques agricoles, l’optimisation des usages du bois, tout en disposant de productions locales, notamment pour nos produits de première nécessité, à commencer par les produits agricoles et agroalimentaires.

Tirer les leçons de la crise suppose alors d’accélérer la transition écologique et de repenser la politique agricole à cette lumière, donc de proposer enfin une véritable politique du carbone vivant. C’est à cet objectif qu’entend contribuer cette note.

1. Pourquoi une politique du carbone vivant ?

1.1. L’agriculture et la forêt entre puits de carbone et émissions

Les politiques publiques organisant la transition écologique et énergétique se sont longtemps concentrées sur la réduction nécessaire des émissions de carbone fossile.

L’agriculture, la forêt et l’élevage comptent pourtant pour plus du quart des émissions mondiales [1] de gaz à effet de serre. Ces activités ont en commun d’intervenir sur le cycle du « carbone vivant » produit par la photosynthèse, à l’origine des chaînes alimentaires. Leurs émissions sont avant tout composées de méthane et de protoxyde d’azote rejetés par l’agriculture et l’élevage, et du déstockage de CO 2 provoqué par la déforestation et le retournement ou l’érosion des sols. En France, l’agriculture représente 2 % du produit intérieur brut, mais 18 % des émissions de gaz à effet de serre, avec une spécificité : les émissions agricoles ne sont majoritairement pas d’origine énergétique, dues à l’usage de carbone fossile, mais sont contrôlées par des processus biologiques et liées au carbone vivant.

Pour endiguer le risque d’un réchauffement de plus de 2 °C, il faut donc traiter à la fois le carbone fossilisé du système énergétique et industriel et le carbone vivant des chaînes alimentaires et de la forêt, l’un pouvant d’ailleurs se substituer à l’autre, quand les résidus agricoles, de bois, les déchets alimentaires fournissent des combustibles renouvelables qui peuvent se substituer aux énergies fossiles.

Le carbone vivant représente en outre le principal puits de séquestration du CO 2 atmosphérique dans les prochaines décennies. La France a émis 445 Mt de CO 2 eq [2] en 2018. L’agriculture et la gestion des déchets en ont rejeté 95 Mt sous forme de méthane et de protoxyde d’azote ; l’agriculture et la forêt en ont simultanément retiré 40 Mt de l’atmosphère, principalement grâce à la croissance des arbres dans les forêts. Toutes choses égales par ailleurs, le puits de carbone national n’absorbe donc qu’un peu plus de 40 % des émissions liées au carbone vivant (40 sur 95). La neutralité carbone est encore loin pour l’agriculture, sans même parler de l’ensemble des autres secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. La réduction des gaz à effet de serre doit atteindre 83 % pour satisfaire l’objectif de neutralité carbone en 2050 (base 2015) en France, tous secteurs confondus. La Stratégie nationale bas carbone (SNBC), dont la dernière version a été adoptée en avril 2020, prévoit ainsi pour l’agriculture une baisse de 20 % (par rapport à 2015) d’ici 2030 et de 46 % d’ici 2050.

Il n’est donc pas possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’accroître le stockage du carbone par la photosynthèse sans construire une politique du carbone vivant, sans penser globalement, systémiquement, l’usage des sols comme les effets de nos choix sur la biodiversité et la santé humaine.

1.2. Une politique publique à construire

1.2.1. Une PAC à réinventer

La Politique agricole commune n’a pas pour objectif exclusif de contribuer à la transition écologique. Elle vise d’abord le maintien d’un revenu décent pour les agriculteurs. Mais, à la suite des états généraux de l’alimentation en France et dans le cadre de l’émergence de la stratégie européenne « De la ferme à la fourchette », le développement d’une stratégie de mise en œuvre d’une alimentation saine et de qualité, en valorisant les plans alimentaires locaux, devrait constituer un objectif naturel pour la prochaine PAC.

L’annonce du European Green Deal, l’aggravation du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité justifient ainsi pleinement que la politique agricole commune contribue enfin vraiment aux objectifs environnementaux.

Une politique du carbone vivant permet en effet de se préparer aux tendances lourdes que constitue la montée en puissance, aux côtés de l’agriculture de firme, d’agricultures locales non productivistes, d’une agriculture engagée, au nom du développement durable, dans des transitions technologiques majeures – elles-mêmes mieux acceptées –, donc d’une agriculture très ouverte aux questions environnementales et de bien-être [3] .

Ce n’est pourtant pas la manière dont sont construites à ce jour les politiques publiques.

Si la Politique agricole commune comporte bien des instruments favorables à des pratiques agroécologiques, essentiellement au sein de son second pilier, qui est aussi – la France en a décidé ainsi – celui dont les financements sont les plus contraints, ceux-ci compensent à peine les dégâts environnementaux et sociaux engendrés par les modalités de soutien du premier pilier. Un rapport de la Cour des comptes européenne (2017) [4] s’interroge sur les effets très limités du paiement vert (environ 80 €/ha en moyenne française) qui constitue pourtant la principale nouveauté de la réforme de 2013. Une étude récente montre, sur la base du Réseau d’information comptable agricole, que les exploitations françaises qui perçoivent le plus d’aides par hectare et par exploitation sont aussi les moins vertueuses en matière d’environnement [5] .

Si le second pilier de la PAC, par exemple avec les mesures agroenvironnementales pour le climat, permet déjà d’accompagner certains investissements nécessaires au passage à l’agroécologie, la structure des incitations ne permet pas une bascule massive vers les meilleures pratiques.

1.2.2. Une politique de la biomasse centrée sur l’énergie

La politique de la biomasse, donc d’utilisation de matière organique pour produire de l’énergie, est, elle, limitée à la substitution des procédés fortement émetteurs de gaz à effet de serre (production de chaleur, mobilité) par des sources renouvelables, sans véritable regard global sur son renouvellement et sa capacité de stockage, sur les effets de substitution d’une culture à une autre. Les cycles du carbone et de l’azote, qui sont au cœur de toute réflexion environnementale sur l’agriculture, l’élevage et la forêt, ne font donc pas l’objet d’une politique systémique globale.

De façon illustrative, la stratégie de mobilisation de la biomasse, prévue par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte et publiée en mars 2018, se concentre sur la mobilisation de la biomasse à des fins énergétiques. Elle prend alors le risque de développer des incitations perverses : mal contrôlée, l’incitation à l’usage de biomasse-énergie, et notamment de bois-énergie, peut conduire à une surexploitation du milieu naturel qui ne pourrait fournir les combustibles requis sans prélever sur le stock de carbone vivant. Les gains sur les émissions brutes du système énergétique seraient alors contrebalancés par l’affaiblissement du captage de carbone de l’atmosphère par les écosystèmes forestiers. C’est typiquement du fait de ce mécanisme que l’utilisation de l’huile de palme comme carburant est controversée puisqu’elle conduit à importer la déforestation.

La Stratégie nationale bas carbone, qui devrait présenter une planification stratégique cohérente, comprend une série de contradictions qui révèlent l’absence de politique claire du carbone vivant. L’utilisation légitime du bois matériau pour le bâtiment, pour réduire les émissions du bâtiment, peut s’avérer contradictoire avec le renforcement du rôle de puits carbone de la forêt, si la conciliation des deux objectifs n’est pas organisée ( cf. infra ). Et la biomasse est trop souvent considérée comme une variable de bouclage des scénarios énergétiques.

1.2.3. Une politique plus systémique à inventer

L’amorce d’une réflexion économique systémique se traduit à ce jour par le recours excessif à des mécanismes de compensation carbone, qui permettent certes de financer sur une base volontaire des projets de réduction de gaz à effet de serre en optimisant le coût de la réduction des émissions, mais conduisent également à différer des ajustements indispensables en déresponsabilisant (que l’on songe à la réduction des émissions du transport aérien par exemple).

La politique systémique attendue ne peut s’y résumer.

Développer une politique du carbone vivant constitue, à l’inverse, le chaînon manquant d’une politique climatique ambitieuse devenue impérative. Les mesures les plus emblématiques d’une politique climatique classique comme une taxe carbone peuvent d’ailleurs avoir un impact positif sur le carbone vivant [6] . Mais il convient également de mesurer la spécificité du carbone vivant et de poser une stratégie globale, qui parte de l’affectation des sols et des pratiques des exploitations et prenne en compte les autres dimensions du vivant, à commencer par l’objectif d’une alimentation saine et celui de préservation de la biodiversité.

2. Mettre l’agriculture au service de nos objectifs environnementaux

2.1. Accompagner les producteurs

Avant toute incitation économique, un accompagnement des producteurs se révèle nécessaire. La recherche, la formation, le conseil technique et économique sont indispensables. Cet accompagnement nécessite d’impliquer les acteurs territoriaux du développement agricole et forestier : chambres d’agriculture, groupements de développement, établissements d’enseignement agricole et de recherche agronomique.

Pour certaines pratiques agroécologiques, comme l’enherbement des vignobles ou des apports organiques issus du compost ou de digestat de méthanisation agricole, la pratique est immédiatement rentable [7] , mais ne se développe que lentement. Ceci pose en retour la question des barrières non économiques à leur diffusion, l’incitation économique existant déjà [8] .

Proposition n° 1 : Créer une mission obligatoire d’accompagnement vers l’agroécologie du réseau consulaire agricole et l’intéresser à sa réussite.

Le réseau consulaire agricole, qui dispose déjà d’une mission orientée vers le développement durable [9] , pourrait donc être intéressé à la réussite de la bascule vers l’agroécologie, un surcroît de financement venant récompenser les établissements qui réussissent dans cet accompagnement à déclencher le passage à l’acte.

2.2. Développer une approche territoriale systémique de l’usage des sols

Le pouvoir de stockage des sols agricoles est généralement insuffisamment pris en compte. L’initiative « 4 pour 1 000 sur les sols pour la sécurité alimentaire et le climat », lancée par la France à l’occasion de la Conférence de Paris sur le climat (COP21) propose d’augmenter chaque année d’un quatre millième le stock de carbone présent dans tous les sols du monde. Ce chiffre résulte d’un calcul simple : l’ensemble des émissions annuelles de CO 2 représente l’équivalent d’un quatre millième du stock de carbone des sols de la planète. L’objectif s’avère très ambitieux, a fortiori pour un pays industrialisé comme la France, pour lequel une augmentation de quatre pour mille ne permettrait de compenser que 12 % des émissions nationales annuelles. Il suppose des modifications profondes des modes de gestion des sols et ne pourra se substituer à la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, mais il manifeste le rôle déterminant de l’usage des sols dans la dynamique du carbone.

Là où les sols sont très dégradés et pauvres en matière vivante, il y a un potentiel considérable de stockage de CO 2 si l’on parvient à inverser la tendance grâce à des pratiques agricoles adaptées. Là où les sols sont déjà saturés en CO 2 , une stratégie de préservation des milieux se révèle plus adaptée. Si les écosystèmes forestiers disposent de leviers d’amélioration du stockage de CO 2 , les terres consacrées aux grandes cultures concentrent 86 % du potentiel d’amélioration du stockage du CO 2 dans les sols [10] .

Le premier enjeu consiste donc à préserver les surfaces agricoles de l’imperméabilisation et de l’urbanisation, mais également d’accroître encore les surfaces dédiées aux écosystèmes forestiers et aux prairies permanentes, aux haies, en limitant la fraction des surfaces agricoles dédiées aux cultures intensives et en modifiant les modes de culture au profit de gestions plus extensives.

Proposition n° 2 : Mettre en œuvre des contrats de transition agroécologique et alimentaire.

Le WWF et la CFDT ont inventé le concept de contrat de transition écologique [11] , repris et décliné à son arrivée en 2017 par le ministre de la Transition écologique et solidaire. Ce concept territorial pourrait utilement être adapté au monde agricole. Il ne s’agit en effet pas d’un concept étranger à la sphère agricole. Des contrats territoriaux d’exploitation, mis en œuvre entre 1999 et 2005, couvraient des objectifs économiques (investissements, signes de qualité), des objectifs environnementaux (réduction des intrants, lutte contre la déprise…) et territoriaux (transformation locale et circuits courts). Cet outil très complet s’appuyait déjà sur une réflexion collective débouchant sur des contrats individuels de cinq années, durée minimale pour assurer la transition des systèmes de production et d’activité sur une exploitation.

Le groupe Politique agricole commune de l’Académie d’agriculture [12] propose de réhabiliter cet instrument pour mettre en œuvre des contrats de transition agroécologique et alimentaire qui mettraient en synergie les futurs soutiens du second pilier. Les priorités des contrats pourraient être définies collectivement et localement au niveau des territoires pertinents, leur mise en œuvre pouvant être envisagée sous des formes individuelles et/ou collectives.

De tels contrats permettraient alors d’articuler diagnostic de territoire et engagements de l’exploitation.

En effet, en France, l’agriculture s’est développée autour d’une spécialisation de fait des régions qui n’est pas sans effet environnemental. L’agence de l’eau Seine Normandie [13] indique ainsi que, sans une réduction des pesticides et des engrais minéraux, elle ne tiendra pas ses engagements européens en 2027, ce qui suppose sans doute un rééquilibrage des systèmes d’exploitation agricoles au profit de l’élevage sur ce bassin versant. Un contrat de transition pourrait alors constituer un outil adapté.

2.3. Développer les paiements pour services écosystémiques

La PAC pourrait en outre passer par un soutien plus abouti aux pratiques agroécologiques. Plusieurs de ces pratiques comme la réduction des engrais minéraux, l’amélioration de l’alimentation animale, la réduction de la consommation de produits carnés auraient d’ailleurs en retour des impacts positifs sur la santé publique.

Deux modèles prospectifs, AFTERRES/Solagro [14] et TYFA/IDDRI [15] ont notamment été bâtis pour donner à voir les modifications de l’agriculture qui pourraient permettre d’atteindre nos objectifs climatiques. Conçus sur des modèles et à des échelles différents (français pour AFTERRES, européens pour TYFA) mais basés sur la généralisation des pratiques agroécologiques, ils s’appuient sur des constantes indispensables à l’atténuation durable du changement climatique :

la réduction du recours aux engrais minéraux ;

l’extension des puits de carbone que sont les prairies permanentes et temporaires, les haies, l’agroforesterie, l’enherbement des vignobles et le développement des cultures intermédiaires ;

la réduction de la consommation de produits carnés dans le respect d’une alimentation saine ;

la réduction des importations de protéines végétales destinées à l’alimentation animale au profit de prairies permanentes et de la culture de légumineuses ;

l’arrêt des cultures énergétiques quand elles viennent en substitution des cultures alimentaires. Le modèle AFTERRES/Solagro s’appuie toutefois, de façon cohérente avec le modèle de Negawatt, sur la valorisation de cultures intermédiaires à des fins énergétiques.

Ces modèles se révèlent en grande partie convergents avec des travaux ministériels [16] sur les leviers d’amélioration de l’empreinte carbone de l’agriculture. L’INRA a montré le potentiel d’amélioration du stockage de carbone dans les sols (1,9 ‰ en moyenne), qui se concentre sur les grandes cultures (86 % du potentiel représentant un gain possible de 5,2 ‰) et le vignoble (potentiel d’amélioration de 3,7 ‰).

Le rapport Biodiversité du Centre d’analyse stratégique [17] montre que la rémunération effective des services écosystémiques, en particulier dans le cadre des aides de la PAC, pourrait effectivement corriger, voire inverser les écarts de rentabilité entre les différents types de production, en particulier entre les cultures annuelles et les élevages à l’herbe, ce qui permettrait d’encourager stockage du carbone et préservation de la biodiversité.

Si la mise en place d’un paiement des services écosystémiques aurait alors un rôle majeur pour orienter vers les meilleures pratiques, un tel système de paiements ne peut se substituer à une protection réglementaire des espaces naturels et agricoles. L’artificialisation des sols dans le cadre d’opérations d’aménagement doit demeurer strictement encadrée. Une fiscalisation volontariste de l’enrichissement sans autre cause que la valorisation du foncier liée à un changement d’affectation des sols du fait de l’urbanisation pourrait d’ailleurs utilement compléter cet encadrement strict pour désinciter à la vente des terres agricoles.

À l’exception du développement des haies dont le coût de la tonne de CO 2 évitée demeure élevé même s’il ne prend pas en compte les externalités positives du bocage pour la biodiversité ou la préservation des sols, les gains environnementaux liés aux changements des pratiques agricoles disposent d’un coût inférieur à la valeur tutélaire du carbone et justifient donc l’action publique [18] .

Proposition n° 3 : Dans le cadre de la PAC, rémunérer les services écosystémiques rendus par les pratiques agricoles (renonciation aux engrais minéraux, non-labour, agroforesterie, haies, maintien ou extension des prairies permanentes, couvert végétal entre deux cultures notamment).

La politique agricole commune doit rémunérer ou continuer de rémunérer les pratiques agricoles vertueuses : paiement en cas d’absence de recours aux engrais minéraux ou paiement à l’utilisation de compost ou de digestat issu de méthanisation agricole, qui tous deux permettent un apport azoté, aide au développement de l’agroforesterie ou de l’enherbement des vignobles. À ce jour, ce sont les agences de l’eau de l’Adour Garonne et Seine Normandie qui sont amenées à expérimenter la rémunération des services environnementaux rendus par les pratiques agroécologiques à l’amélioration de la qualité de l’eau.

En mélangeant des arbres et des herbacées [19] , l’agroforesterie permet par exemple d’augmenter la productivité globale des terres comme l’effet «  puits de carbone [20]  », des associations de plantes complémentaires peuvent leur permettre de se protéger les unes les autres contre leurs parasites [21] et de favoriser mutuellement leur développement. Le besoin d’ engrais [22] et surtout de pesticides [23] est alors moindre qu’en agriculture intensive [24] conventionnelle.

De même, le développement d’un couvert végétal entre les cultures permet de piéger des nitrates donc d’améliorer le grand cycle de l’eau en évitant leur infiltration dans les nappes phréatiques, de limiter la dégradation des sols, d’augmenter le carbone dans les sols, notamment par les racines, comme la biodiversité qui profite de la permanence d’un couvert végétal. La rémunération du service environnemental rendu par le couvert végétal pourrait donc utilement être prévue.

3. Accompagner l’élevage vers l’écologie

Si la politique agricole commune constitue un levier déterminant pour orienter les pratiques agricoles, elle n’épuise pas les leviers dont disposent les pouvoirs publics pour orienter l’agriculture vers l’écologie. Une politique d’alimentation saine, réduisant la consommation de produits carnés, par exemple au profit des protéines végétales, des légumineuses, est indispensable à la réussite de nos ambitions environnementales.

La modification de la ration alimentaire des ruminants notamment par la réduction du soja et du maïs au profit de l’usage des prairies permanentes, donc de l’extensification peut ensuite constituer une action efficace pour atténuer le changement climatique. La réduction des protéines végétales importées à destination de l’élevage constitue dans tous les cas une priorité, tout comme le maintien ou l’extension des prairies temporaires et permanentes.

3.1. Réduire la consommation de protéines animales

Concernant l’élevage, les leviers d’atténuation du changement climatique sont de plusieurs natures. Outre que l’alimentation constitue une manière de renouer le lien distendu entre les Français et les agriculteurs – ce dont témoigne également la stratégie européenne « De la ferme à la fourchette » – et d’encourager l’économie circulaire autour des projets alimentaires locaux, elle constitue une manière de peser sur la structuration de l’offre elle-même et de la verdir. Un premier levier consiste donc à encourager une meilleure alimentation humaine en réduisant la part des produits carnés au profit des légumineuses. Les modèles prospectifs comme TYFA atteignent les objectifs de réduction du carbone par la réduction des cheptels et la modification de l’alimentation humaine.

Proposition n° 4 : Réduire la consommation de viande tout en améliorant le bien-être animal.

Aux leviers de l’offre déjà évoqués (pratiques agroécologiques et paiement des services écosystémiques) s’ajoute alors le levier de la demande. La réduction de la consommation de protéines animales pourrait entraîner une plus forte demande de protéines végétales, légumineuses notamment, dont la production pourrait utilement être soutenue, y compris lorsqu’elle est destinée à l’alimentation humaine. Parce qu’elles captent l’azote, fertilisent naturellement les sols, les légumineuses, à l’instar des lentilles, présentent de nombreux avantages environnementaux qui favorisent en retour le stockage du carbone comme les rendements agricoles nets des apports d’engrais. Si elles sont produites localement, ces cultures ont en outre l’avantage de réduire les besoins en intrants azotés et notamment l’usage d’engrais minéraux nocifs pour l’environnement et dont la production s’avère très énergivore, la fertilisation des sols demeurant à ce jour le premier poste de dépense énergétique des cultures, devant le carburant utilisé pour les tracteurs.

3.2. Interdire les OGM pour l’alimentation animale pour reconstituer une filière nationale de production de légumineuses

S’il sera difficile d’atteindre les objectifs de neutralité carbone sans réduire la consommation de viande, l’impact de la viande ne se limite pas aux émissions des animaux eux-mêmes. Il faut prendre en compte l’ensemble des impacts de la production, la présence de prairies favorables au stockage du carbone et à la biodiversité, comme le recours à l’importation d’azote sous forme d’alimentation animale, qui constitue, elle, un effet négatif.

Un arbitrage aboutissant à une moindre quantité de production animale, pour davantage de qualité dans l’alimentation du bétail, mais aussi dans la qualité de vie des animaux, avec davantage d’espace octroyé donc davantage de prairies irait donc dans le bon sens.

Proposition n° 5 : Interdire les OGM dans l’alimentation animale et reconstituer une filière nationale de production de légumineuses.

Le cycle de l’azote doit dans tous les cas également être maîtrisé. Les apports d’engrais chimiques pour assurer les rendements agricoles, dont la production est très énergivore, conduisent à rejeter de l’azote dans l’atmosphère au moment de leur production, puis dans la mer par infiltration et ruissellement, donc participent des émissions de gaz à effet de serre et génèrent d’autres externalités négatives, notamment sur le grand cycle de l’eau dont ils dégradent la qualité et sur la qualité des sols.

L’importation massive d’alimentation animale revient à une importation massive d’azote. Le soja est ainsi présent dans la chaîne d’approvisionnement de la viande, des œufs et des produits laitiers. Plus de 80 % [25] de celui utilisé en France est importé. Et environ 50 % des importations françaises – soit près de 2 millions de tonnes – proviennent du Brésil, où cette plante est une cause majeure de destruction des forêts [26] . Or, le soja importé est le plus souvent génétiquement modifié. Dans le cadre d’une politique de reconstitution d’une filière française de légumineuses, une interdiction des OGM permettrait de rétablir au moins provisoirement les termes de l’échange, le temps que la filière se constitue. Interdire les OGM permettrait alors de répondre à de nombreux objectifs, de santé publique naturellement, de relocalisation d’activité mais participerait également à la fois à la lutte contre la déforestation importée et à la transition écologique de l’agriculture.

Le développement d’une filière française de légumineuses, qui permettent de stocker de l’azote, participe alors des solutions. Il pourrait utilement passer par l’interdiction des OGM dans l’alimentation animale le plus souvent présents dans les importations ( cf. supra ) notamment pour restaurer la compétitivité de la filière française et pour protéger la santé publique.

4. Accroître le rôle de la forêt dans la transition écologique

4.1. Pour une politique du carbone vivant et de la biodiversité

Depuis une dizaine d’années, l’idée que la forêt française est sous-exploitée s’est progressivement installée au centre des politiques forestières, mais aussi des politiques climatiques et énergétiques. Ce postulat repose sur le fait que la récolte de bois est aujourd’hui inférieure à la production biologique des forêts, ce qui s’explique en grande partie par le fait que la forêt est jeune et qu’elle est par endroit inexploitable (zone de montagne) plutôt que par une sous-exploitation. Le Programme national Forêt Bois fixe un objectif d’augmentation de la récolte de + 12 Mm 3 entre 2016 et 2026 (soit 72 Mm 3 /an en 2026) et la Stratégie nationale bas carbone prévoit une poursuite de cette augmentation jusqu’en 2050 avec une récolte d’environ 95 Mm 3 /an. Aujourd’hui, trop de peuplements jugés insuffisamment productifs à court terme sont désignés « en impasse », pour justifier une conversion de l’écosystème par plantation.

Or, si la forêt joue un rôle de puits de carbone, la diversité des essences compte, comme comptent les services écosystémiques et notamment sa biodiversité. C’est pourquoi les outils que sont les contrats Natura 2000, les parcs naturels régionaux importent, eux qui permettent de conserver de vastes surfaces propices à la biodiversité.

Proposition n° 6 : Dans le cadre de la mise en place d’incitations-carbone, prévoir un revenu lié à la séquestration du carbone en rémunérant aussi ses co-bénéfices, comme la préservation de la biodiversité.

Dans le cadre du développement du paiement pour service écosystémique, un paiement pour stockage du carbone, associé à une rémunération des co-bénéfices (diversité des essences, espèces autochtones, biodiversité) serait donc utile pour conserver à la forêt son rôle moteur dans la transition écologique.

De ce point de vue, les difficultés d’exploitation dans les massifs montagneux, comme des propriétés privées morcelées, comportent également des effets positifs.

Proposition n° 7 : Conserver au niveau national 25 % de la surface de la forêt française en libre évolution, avec un minimum de 10 % dans chaque région.

Un objectif de forêt en libre évolution permettrait ainsi d’éviter une exploitation systématique de l’ensemble de la forêt française, préjudiciable à la biodiversité. Les arbres âgés, le bois mort sous toutes ses formes et les écosystèmes caractéristiques des forêts en libre évolution sont les supports de vie d’un quart de la biodiversité terrestre.

Les forêts en libre évolution sont par ailleurs un laboratoire d’observation précieux, dans lequel s’expriment des mécanismes de régulation naturelle peut-être indispensables à connaître pour gérer les forêts face aux bouleversements écologiques.

4.2. Lancer une stratégie de reboisement

La forêt et la filière bois constituent des secteurs déterminants de l’atténuation du changement climatique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette filière combine un effet de stockage du carbone dans les écosystèmes forestiers – stockage dans la biomasse vivante aérienne et souterraine, le bois mort et les sols forestiers –, dans les produits qui en sont issus – le bois matériau notamment – et un effet de substitution résultant de l’usage du bois en remplacement de matériaux concurrents plus émetteurs de CO 2 ou utilisateurs d’énergies fossiles [27] .

La politique du bois et de la forêt est confrontée à un dilemme :

le maintien des niveaux actuels de récolte dans un contexte de croissance du stock sur pied permettrait un stockage accru de carbone en forêt tant que ces peuplements, plutôt jeunes, seraient en croissance forte mais limiterait d’autant les effets de substitution attendus du développement des usages ;

une récolte plus soutenue associée à une transformation adéquate des peuplements permettant d’en accroître la productivité freinerait pour plusieurs années la progression du stock de carbone en forêt, mais favoriserait les effets de substitution en aval, et ce d’autant plus si le bois est utilisé en tant que matériau.

Suivant l’horizon retenu, l’impact climatique diffère. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, une stratégie de séquestration parait préférable. À l’inverse, à un horizon porté à 2100, une stratégie de substitution d’autres matériaux, réduisant le stock de carbone en forêt peut être justifiée.

Les modélisations montrent en effet que, selon l’horizon, les effets sont différents : pour améliorer le bilan carbone à horizon 2035–2040, le levier de séquestration du carbone (une politique de préservation des forêts, de plantation) est le plus efficace. À horizon 2070–2100, la substitution des matériaux est plus efficace, la forêt ayant le temps de se régénérer. Mais cette analyse oublie les co-bénéfices de la séquestration, notamment pour préserver la biodiversité. Une politique axée sur la substitution des usages et qui assumerait donc une réduction des surfaces dédiées aux forêts enverrait en outre un signal contradictoire avec l’ambition de stockage du carbone et serait de ce fait difficilement lisible, voire contreproductive.

Proposition n° 8 : Relancer une stratégie de boisement volontariste de 500 000 hectares en dix ans.

La prise de conscience du rôle fondamental des forêts dans la séquestration du carbone comme dans la préservation de la biodiversité justifie un signal adéquat, donc la poursuite du reboisement. Une stratégie de reboisement permet alors d’accompagner une accentuation des usages du bois, notamment du bois matériau, sans risque de surexploitation de la ressource pour éviter des émissions de gaz à effet de serre.

Ceci constitue d’ailleurs l’un des scénarios explorés par l’Institut national de l’information géographique et forestière [28] .

Cette stratégie permet de conjuguer les avantages des stratégies de séquestration et de substitution aux deux horizons temporels de moyen et de long terme, donc de développer sans attendre les substitutions que les usages du bois rendent possible sans renoncer à la stratégie de stockage pour réduire les émissions de façon optimale dès 2040. Un objectif d’hectares de forêt permet alors de concilier exploitation possible pour substituer le bois à des matériaux requérant du carbone fossile et fermeté sur l’objectif de séquestration et de préservation de la biodiversité.

Sa mise en œuvre suppose de créer le bon système d’incitations pour à la fois mieux valoriser la forêt en libre évolution en rémunérant ses services écosystémiques et valoriser la production de bois pour que la forêt soit correctement exploitée. Elle appelle en outre une vaste concertation sur les changements d’usage des sols pour définir une politique claire et continue en la matière.

4.3. Renvoyer les choix à la démocratie et au débat public local

Pour les forêts qui, à l’instar de la forêt landaise, sont d’ores et déjà exploitées et permettent de réduire l’impact climatique de secteurs d’activités comme la construction, une hiérarchie des usages du bois, qui constitue également une hiérarchie climatique, doit demeurer : utiliser d’abord le bois pour le bois d’œuvre (la construction) puis pour le bois d’industrie (panneaux, papeterie) et seulement le reste ou le bois déchet pour l’énergie.

Mais le réglage des incitations économiques s’avère très difficile et le risque demeure donc grand que les incitations vers le bois énergie conduisent à déstocker du carbone et à privilégier l’énergie sur des usages plus efficaces dans la lutte contre le dérèglement climatique. Sans trancher le débat sur le bon équilibre entre politique de stockage et politique de substitution, le soutien excessif au bois énergie semble donc particulièrement risqué. Certains experts redoutent d’ores et déjà que les unités de bois énergie dépassent la capacité de la forêt à se régénérer.

Proposition n° 9 : Renvoyer l’arbitrage sur l’exploitation des forêts à un débat public local.

Le débat entre stockage du carbone (politique de plantation volontariste, de préservation des forêts) et substitution à d’autres matériaux (construction en bois) ne peut être tranché aisément : les politiques univoques ont des effets pervers, comme le ralentissement de l’utilisation nécessaire de matériaux biosourcés pour éviter des émissions, ou la déforestation. Une adaptation et un débat public local s’avèrent donc nécessaires.

Ce n’est qu’à travers un débat public territorial, un dialogue entre les avantages pour le climat, l’eau, la biodiversité, l’emploi local et la dimension paysagère, associant les propriétaires fonciers forestiers, les organismes spécialisés comme l’ONF, les CRPF/CNPF pour la propriété privée et les parties prenantes, que des solutions robustes peuvent se dégager, par exemple dans le cadre de projets « Territoires engagés pour la nature ».

5. Toutes les valorisations énergétiques de la biomasse ne se valent pas

La valorisation énergétique de la biomasse, encouragée par la stratégie nationale de la biomasse, dispose d’un bilan environnemental contrasté.

5.1. Encadrer la valorisation énergétique du bois

Le bois énergie peut certes constituer une réponse adéquate, par exemple pour substituer du carbone renouvelable à du carbone fossile pour le chauffage de l’habitat isolé dans le monde rural utilisant actuellement des chaudières au fioul, le cas échéant en complément d’autres énergies renouvelables et en développant de plus des logiques d’économie circulaire. Toutefois, il ne peut être durable que si sa valorisation respecte la hiérarchie des usages du bois et si les capacités installées ne dépassent pas un seuil qui dépend étroitement du rythme de croissance de la forêt.

Proposition n° 10 : Différencier les incitations au bois énergie suivant son usage antérieur et les territorialiser.

Pour éviter les incitations perverses à l’utilisation de bois énergie au détriment d’usages permettant un stockage plus long comme le bois meuble, une différenciation des incitations en fonction des usages antérieurs pouvant aller de la taxation de l’usage direct à l’incitation à la valorisation du bois déchet sous forme d’énergie serait utile.

Ce faisant, il s’agirait de concentrer les possibles zones dédiées au bois énergie suivant des critères liés à la biodiversité, aux usages du bois, mais aussi de la structure énergétique locale pour inciter aux substitutions énergétiques qui évitent le plus d’émissions de gaz à effet de serre.

5.2. Limiter les cultures énergétiques au couvert végétal entre deux cultures

Proposition n° 11 : Limiter la possibilité de valoriser énergétiquement des cultures à la valorisation du couvert végétal entre deux cultures.

Les premières générations d’agrocarburant demeurent controversées, puisqu’elles organisent une concurrence entre l’usage énergétique des sols et leurs usages alimentaires. Qu’il s’agisse de productions de colza ou de la valorisation d’huile de palme importée, l’usage énergétique de la biomasse demeure contestable et doit être cantonné.

Si le développement d’un couvert végétal sous forme de cultures intermédiaires présente de nombreux avantages environnementaux comme le stockage du carbone ou un effet positif sur la biodiversité par exemple, le choix doit être laissé à l’agriculteur de valoriser énergétiquement (ou non) ce couvert pour compléter ses revenus ou de composter par exemple ce couvert pour l’épandre. Les aides au couvert végétal de la PAC ( cf. supra ) permettraient alors de développer des cultures intermédiaires à vocation énergétique (50 % du couvert dans le scénario AFTERRES), ou de favoriser des cultures intermédiaires pièges à nitrates ou tout autre couvert.

Dans les deux cas, l’épandage du compost ou du digestat issu de la méthanisation agricole permet de créer une boucle locale d’azote, l’azote retournant au sol sous forme organique et évitant l’utilisation des apports minéraux, ce qui constitue une bonne pratique environnementale.

5.3. Vers un service public de la méthanisation territoriale

Environnementalement, la méthanisation repose sur une double boucle d’économie circulaire avec le cycle du carbone et le cycle de l’azote. Pour remplir cette promesse, le bassin versant du méthaniseur doit rester de taille modeste et éviter des sites drainant de la matière d’origines lointaines, ce qui suppose de conserver des tarifs d’achat du biométhane d’un niveau suffisant pour développer des installations de taille plus réduite.

Proposition n° 12 : Développer un service public de la méthanisation territoriale.

Le développement d’un service public de la méthanisation territoriale permettrait également de répondre à ce risque. Il rendrait également possible la mutualisation du coût du traitement des résidus agricoles les moins méthanogènes et notamment celui des effluents d’élevage, tout en assurant un complément de revenu aux agriculteurs locaux.

Si le développement de la méthanisation agricole contribue à la transition écologique, il convient également de s’assurer pour autant de la qualité des pratiques. Le WWF [29] a défini un cadre de durabilité pour la méthanisation agricole et dégage notamment deux conditions importantes. D’une part, ce sont les cultures intermédiaires, donc le couvert végétal entre deux cultures, qui doivent être valorisées et non des cultures dédiées. D’autre part, le dialogue public local doit être organisé pour assurer l’acceptabilité des projets. Le développement d’un service public de la méthanisation peut également contribuer à s’assurer du respect de ces critères.

Proposition n° 13 : Faire du développement de ce service public de valorisation de la biomasse un levier de constitution de communautés locales d’énergie renouvelable.

Au-delà, l’insertion de la méthanisation agricole dans un projet d’économie circulaire, dans un projet de territoire, importe : l’énergie produite a d’autant plus de sens qu’elle pourvoit à des usages locaux, comme la mobilité, le chauffage ou les besoins d’une activité économique locale et valorise également les déchets agroalimentaires locaux.

Le développement de communautés d’énergie renouvelable locales pourrait concourir à cette bonne insertion. En effet, ces communautés d’énergie renouvelable locales, prévues par les directives communautaires mais peu développées en France permettent à une communauté villageoise ou à un territoire de s’organiser pour produire des énergies renouvelables et les consommer localement. Si les premiers projets concernent l’électricité en associant par exemple une éolienne et de l’autoconsommation, une mise en place autour d’un projet de biométhane permettrait de créer de beaux projets de territoire.

  1. https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/02/AR5_SYR_FINAL_SPM.pdf

  2. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc

  3. Voir CGAAER, « Agri 2050, une prospective de l’agriculture et des forêts françaises », janvier 2020.

  4. Cour des comptes européennes, Rapport spécial n° 21/2017 « Le verdissement : complexité accrue du régime d’aide au revenu et encore aucun bénéfice pour l’environnement  » , 12 décembre 2017.

  5. A. Kirsch, J-C. Kroll, A. Trouvé « Aides directes et environnement. La Politique agricole commune en question » Économie Rurale , 359, mai-juin 2017.

  6. Caurla et Delacote (2014) montrent ainsi que la mise en place d’une taxe carbone généralisée aurait un impact globalement positif sur la filière forêt-bois française.

  7. INRA, « Stocker du carbone dans les sols français, Quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1 000 et à quel coût ?  », juillet 2019.

  8. INRA, I-Care & Consult et le Cereopa (2017), analysant pour le compte de l’ADEME la faible diffusion de certaines mesures à coût négatif, constatent par exemple le besoin d’accompagnement et de formation, pour maîtriser l’apport organique azoté.

  9. Article L.510–1 du code rural : « [Les établissements qui composent le réseau des chambres d’agriculture] contribuent, par les services qu’ils mettent en place, au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu’à la préservation et à la valorisation des ressources naturelles et à la lutte contre le changement climatique. »

  10. INRA, « Stocker du carbone dans les sols français, Quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1 000 et à quel coût ?  », juillet 2019 .

  11. Laurent Berger et Pascal Canfin, Réinventer le progrès , Les petits matins, 2016.

  12. Par exemple, G. Bazin, « PAC et transition agro-écologique et alimentaire, Bilan et perspectives dans quatre États de l’Union Européenne (Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Roumanie) », 20 février 2019.

  13. Agence Seine Normandie, Confluence, « État des lieux 2019 », décembre 2019.

  14. https://afterres2050.solagro.org/

  15. IDDRI, « Une Europe agroécologique en 2050 : une agriculture multifonctionnelle pour une alimentation saine », septembre 2018.

  16. Pellerin et Bamière (2013) par exemple.

  17. Centre d’analyse stratégique, Bernard Chevassus-au-Louis, Rapport Biodiversité : « L’approche économique de la biodiversité et des services liés aux éco systèmes », 28 avril 2009.

  18. INRA, « Stocker du carbone dans les sols français, Quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1 000 et à quel coût ?  », juillet 2019.

  19. https://fr.wikipedia.org/wiki/Plante_herbac%C3%A9e

  20. https://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_de_carbone

  21. https://fr.wikipedia.org/wiki/Parasitisme

  22. https://fr.wikipedia.org/wiki/Engrais

  23. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pesticide

  24. https://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculture_intensive

  25. http://www.fao.org/faostat/en/#data/TP/

  26. http://resources.trase.earth/documents/TraseYearbook2018.pdf

  27. Roux et Dhote (2017) estiment que le potentiel d’atténuation pour la forêt et la filière-bois françaises est dominé par le stockage dans les écosystèmes forestiers (88 Mt CO 2 eq/an) et par la substitution du bois à d’autres matériaux plus émetteurs de gaz à effet de serre (32,8 Mt CO 2 eq/an).

  28. Roux et Dhote, « Forêt et atténuation du changement climatique », INRA-IGN, novembre 2017.

  29. WWF, « Méthanisation agricole : quelles conditions de durabilité de la filière en France », mars 2020.

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