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Note

Rénovation énergétique des logements : pour une politique volontariste

Dans le cadre de ses réflexions sur la conduite de la transition énergétique (Directive efficacité énergétique, financement des énergies renouvelables), Terra Nova se penche à présent sur un chantier majeur de la maîtrise de la consommation d’énergie : la rénovation énergétique des logements.

Publié le 

Rénovation énergétique des logements :pour une politique volontariste

Par Denis Burckel , directeur du développement durable d’un opérateur immobilier,
Alain Grandjean, économiste,
Emmanuel Legrand, directeur d’investissements d’une institution financière,
Tom Magenta [1] * , expert en politique publique de l’énergie,
Rick Mann*, président d’une société de services en efficacité énergétique,
Christian Savi*, directeur affaires institutionnelles et juridiques dans le BTP
et Corentin Sivy, expert énergies

1 – Enjeux et objectifs de la rénovation énergétique du bâtiment

1. 1 – Les enjeux

Le secteur du bâtiment représente environ 40 % de l’énergie primaire consommée en France. Il s’agit du premier secteur de consommation d’énergie devant le transport et l’industrie. En termes de facture, un ménage dépense ainsi en moyenne environ 1 700€/an pour régler ses factures de chauffage et d’électricité domestique.

Cette dépense contrainte est très exposée à la hausse des prix de l’énergie, dont la tendance de long terme est une augmentation continue, et dont plusieurs éléments laisse penser qu’elle devrait s’accélérer en France dans les prochaines années (au moins +4 à 5 %/an) [3] . De ce fait, la dépense énergétique pèse de plus en plus sur le pouvoir d’achat des ménages.

Pourtant, il est possible de réduire la consommation d’énergie de l’ordre de 10 à 30 % par des actions comportementales et des investissements mineurs (régulation-programmation, calfeutrage…), et de l’ordre de 60 à 80 % avec des rénovations globales qui touchent à la fois l’enveloppe du bâtiment et les équipements de chauffage. Paradoxalement, le rythme des rénovations énergétiques des bâtiments reste assez lent en France comparé à d’autres pays européens, ce qui traduit une faible perception des enjeux par nos concitoyens.

L’une des principales explications réside dans la perception d’un prix de l’énergie « sous contrôle », grâce aux particularités du modèle énergétique français. Cette perception biaisée ne peut durer, compte tenu de multiples facteurs qui convergent vers un renchérissement mécanique et important du prix des différentes énergies. Aussi, la réalité des prix de l’énergie doit être assumée politiquement car il vaut mieux une hausse de 5 % / an annoncée dans la durée, qu’une hausse brutale des prix lorsque nous serons face au mur de la reconstruction du modèle énergétique français. Cette évolution des prix assumée facilitera la mobilisation des acteurs pour la maîtrise de l’énergie, en favorisant une planification des investissements et un accroissement de la rentabilité des projets d’efficacité énergétique.

Dans le contexte actuel, le rythme naturel des rénovations thermiques que l’on peut évaluer entre 200 000 et 400 000 par an toutes rénovations confondues, conduit à une durée de 25 à 50 ans pour rénover 10 millions de logements, soit à peine un tiers du parc. L’enjeu de la rénovation énergétique des bâtiments réside donc bien dans le rythme des rénovations énergétiques qu’il faut accélérer, tout en encourageant des rénovations de qualité. Cela nécessite de mobiliser et d’accompagner les acteurs, et de financer les opérations.

2 – Les objectifs

La Conférence environnementale de septembre 2013 a fixé le cap de 500 000 rénovations par an, ce qui renforce les objectifs préexistants :

– ceux inscrits dans la loi suite au Grenelle de l’Environnement :

– 38 % de consommation d’énergie en moins pour l’ensemble du parc des bâtiments existants d’ici à 2020 ;

– rénovation de l’ensemble du parc de logements sociaux d’ici 2050 en commençant par les 800 000 les plus énergivores d’ici 2020 ;

– engagement de rénovation énergétique des bâtiments de l’Etat et de ses établissements publics à partir de 2012.

– les objectifs sectoriels la loi POPE [4] de 2005 fixe les objectifs suivants :

– la réduction de 75 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990 (dit « objectif facteur 4 ») ;

– la baisse de l’intensité énergétique finale à un rythme annuel de –2 % par an d’ici 2015, puis de –2,5 % par an d’ici 2030.

– les objectifs européens du Paquet Energie Climat qui prévoient une amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique d’ici 2020, que la France a traduits dans son Plan national d’action en faveur de l’efficacité énergétique (PNAEE) de juin 2011. La nouvelle directive européenne sur l’« efficacité énergétique » qui vient d’être adoptée contient d’autres objectifs et obligations faites aux Etats membres [5] à prendre en compte.

Les objectifs sont donc nombreux, mais ils manquent parfois de cohérence, et les déclinaisons opérationnelles sont encore trop diffuses. Il est par exemple difficile de faire le lien entre les normes de construction (RT2012, RT2020…) et les objectifs globaux de consommation à l’horizon 2020.

A titre d’illustration, certains des scénarios existants, bien que très ambitieux, sont actuellement significativement en-dessous de l’objectif du –38 % d’énergie et –50 % de GES en 2020 fixé par la loi. De même, l’objectif de rénover tout le parc tertiaire avant 2020 semble tellement ambitieux qu’il peut paraître inatteignable, sauf à faire des rénovations marginales totalement insuffisantes par rapport aux objectifs de long terme. Le réajustement des objectifs fixés à 2020, probablement à la baisse, en contrepartie de l’établissement d’objectifs ambitieux mais cohérents, échelonnés entre 2020 et 2050, serait une mesure capable de donner la visibilité dont les acteurs du secteur ont besoin.

Les prochaines échéances que sont la transposition de la Directive européenne EE ou la loi de programmation sur l’énergie qui fera suite au débat sur la transition énergétique doivent être l’occasion de clarifier et mettre en cohérence les différents objectifs, avec une traduction opérationnelle précise .

Il est en particulier indispensable que soit fait un travail précis de recensement énergétique du patrimoine immobilier français et de planification des opérations de rénovation . Dans le prolongement des scénarios prospectifs que l’ADEME vient de publier, ce travail devra être mené par l’Etat et les collectivités locales en lien avec leurs compétences respectives sur l’immobilier et l’urbanisme. Il doit permettre d’aboutir à des objectifs cohérents à court, moyen et long terme, exprimés sur le stock de logements et le flux des rénovations :

– partant du niveau de réduction de consommation d’énergie et de réduction de GES que le secteur du bâtiment doit atteindre pour être cohérent avec les objectifs français à long terme (2050), il faudra déterminer un niveau de consommation énergétique et d’émissions de GES à atteindre pour le stock de logements.

– Ensuite, afin d’atteindre ces objectifs en termes d’énergie et de GES sur le stock de bâtiments, il faudra déterminer les rythmes à atteindre en nombre de rénovations annuelles et en qualité de celles-ci.

Au-delà de ce travail de planification, des outils spécifiques d’action sont indispensables en distinguant les types de patrimoine, notamment le logement, le tertiaire privé et le tertiaire publique.

2 – Service public, fiscalité verte et financements dédiés

La rénovation énergétique des logements s’inscrit au croisement d’enjeux sociaux, comportementaux, financiers, techniques, juridiques, et implique de très nombreux acteurs, propriétaires ou copropriétaires, syndicats de copropriétés, locataires, artisans et grandes entreprises de la filière, énergéticiens, banquiers, acteurs publics… Les approches différentes de ces acteurs ne facilitent pas la prise de décision des particuliers qui sont par ailleurs confrontés à l’équation économique d’une rénovation. Pour favoriser la convergence des intérêts et accélérer les opérations de rénovation, une action publique est nécessaire.

2. 1 – Pour un service public très opérationnel, déployé rapidement sur les territoires

Annoncée depuis plusieurs semaines par le gouvernement, la création d’un service public de la performance énergétique est une étape importante qui doit permettre d’accentuer la prise de conscience des enjeux de la rénovation énergétique des logements. Pour être efficace, il doit rapidement se concrétiser sur les territoires, auprès des habitants qui souhaitent rénover en leur apportant des solutions, mais aussi en informant les ménages peu sensibilisés aux enjeux. Le service public de la performance énergétique doit également porter une attention particulière aux situations les plus critiques, en particulier la précarité énergétique.

Pour atteindre ces objectifs, le service public de la performance énergétique ne saurait se limiter à une juxtaposition de services administratifs ou d’agences de l’Etat, et il devra aussi s’appuyer sur les compétences des collectivités locales et largement associer les acteurs privés, acteurs de la filière, énergéticiens, banquiers…

Nous proposons cinq mesures pour rendre concret et opérationnel le service public de la performance énergétique :

Proposition n°1 : pour un guichet unique opérationnel, déployé sur les territoires, symbolisé par une marque unique et annoncé par une grande campagne de communication

La rénovation énergétique d’un logement est avant tout un projet local, qui nécessite des dispositifs de proximité, lisibles et cohérents.

Lors de la Conférence environnementale de septembre dernier, le gouvernement a annoncé la création d’un guichet unique permettant de faciliter les opérations de rénovation.

Le guichet unique doit incarner un véritable service public de la performance énergétique capable d’informer, de conseiller, d’accompagner et de faciliter l’obtention des financements. Il doit pour cela devenir un véritable centre de compétences, s’appuyer sur des moyens modernes de communication (site internet, numéro vert…) et décliner la logique de marque décrite ci-dessous.

Pour capitaliser sur les compétences et les savoir-faire existants, le service public de la performance énergétique doit s’appuyer sur l’ensemble des acteurs concernés, agences publiques de l’Etat (ADEME, ANAH, ANIL…), collectivités locales et leurs agences, notamment les Agences locales de l’Energie, et acteurs privés (professionnels de la filière, banques, énergéticiens…), ainsi que les associations qui interviennent dans ce domaine (PACT…).

Compte-tenu des compétences des collectivités locales qui touchent directement le sujet de la rénovation, soit par l’angle de l’aménagement territorial, soit par celui du développement durable (PLU, PCET, Schéma Régional Climat Air Energie, SRADT…), mais également des moyens qu’elles peuvent apporter (subventions, fonds structurels européens dont le fléchage vers l’efficacité énergétique a été renforcé), il est souhaitable que les collectivités locales jouent un rôle central dans cette animation territoriale. Les collectivités locales pourraient également avoir la responsabilité d’assurer la bonne articulation du service public de la performance énergétique avec l’intervention des professionnels de la filière qu’elles vont contribuer à former.

Pour symboliser le service public de la performance énergétique, nous proposons que soit créée une marque unique, facile à mémoriser, qui se substitue aux appellations existantes trop hétérogènes (Eco-PTZ, CIDD, aides ADEME…). Elle sera déclinée par l’ensemble des acteurs (agences de l’Etat, collectivités locales, artisans…) et sur l’ensemble des outils mobilisés (DPE, subventions, CIDD, prêts bonifiés, labels, certificats…).

Cette marque créera une meilleure unité dans les différents volets du service public de la performance énergétique, et facilitera ainsi la perception par les ménages des outils mis à leur disposition, donc la décision de réaliser une rénovation. Il est souhaitable que l’ensemble des outils mobilisés puissent s’appuyer sur une marque unique que chaque partie prenante (Etat, collectivités, banques, acteurs de la filière…) s’engage à utiliser.

Les exemples du Royaume-Uni (« Green Deal » - voir annexe 1 : « La politique du Royaume-Uni en matière de rénovations énergétiques » ) ou de l’Allemagne (« prêts KfW » - voir annexe 2 : « La politique allemande en matière de rénovations énergétiques » ) montrent la puissance d’une telle approche de marque dans la sensibilisation des acteurs et la diffusion des moyens mis à disposition.

Enfin, nous proposons que soit lancée une grande campagne de communication sur la durée du quinquennat. Gérée par l’ADEME, cette campagne de quelques millions d’euros par an permettrait de sensibiliser les acteurs aux mesures mises en place : guichet unique, prêt bonifié, aide directe, marque « rénovation », rôle du DPE…

Proposition n°2 : des « ambassadeurs de l’efficacité énergétique », formés et bien insérés pour mobiliser

Le gouvernement a décidé de la mise en place de 150 000 emplois d’avenir, dont le champ d’intervention couvre notamment le développement durable. Considérant que la rénovation énergétique est une priorité pour l’avenir du pays, nous demandons une forte mobilisation d’emplois d’avenir pour promouvoir la rénovation énergétique. Ces emplois d’avenir devront s’inscrire dans une démarche proactive « d’ambassadeurs de l’efficacité énergétique », et devront démarcher les foyers à domicile, notamment les ménages habitant dans des logements énergivores. Pour assurer la réussite de ces démarches, une formation préalable de qualité, portant sur les aspects techniques mais aussi financiers, ou sur la connaissance des filières, devra être dispensée aux jeunes mobilisés pour ce programme. Elle devra permettre aux « ambassadeurs de l’efficacité énergétique » de répondre aux questions usuelles, puis d’orienter leurs interlocuteurs vers les guichets uniques ou les professionnels du secteur.

Proposition n°3 : renforcer le programme « habiter mieux » de l’Anah et prévenir l’entrée en précarité énergétique

L’Anah est l’acteur spécialisé dans le traitement des ménages précaires. Le programme « habiter mieux », particulièrement complexe à mettre en place, est désormais opérationnel. Il est financé à la fois par le revenu de la vente des quotas CO2 ETS [6] et par une ligne de crédit du programme d’investissement d’avenir de 450 M€.

Nous proposons de maintenir ce programme comme fer de lance du traitement de la précarité énergétique avec l’objectif d’arriver à un rythme de 50 000 logements/an en 2017.

Pour y parvenir, des améliorations techniques devraient être envisagées, et l’identification des logements énergivores accrue via l’utilisation des bases de données DPE ou les données des éligibles aux tarifs sociaux.

Par ailleurs, nous proposons des actions préventives contre la précarité énergétique. Les ménages habitant les 4 millions de logements très énergivores [7] sont les plus susceptibles de tomber en situation de précarité énergétique, s’ils ne le sont déjà. En conséquence, en lien avec les organismes compétents (conseils généraux, fondation Abbé Pierre…), un plan spécifique de repérage et de démarchage des ménages habitant dans ces logements très énergivores doit être engagé afin de prévenir l’entrée en précarité énergétique et de réduire rapidement les dépenses élevées de ces logements. En particulier, comme mentionné ci-dessous, nous proposons que les notaires aient l’obligation de transmettre aux pouvoirs publics les coordonnées des logements ayant un DPE supérieur à la classe E de manière à ce qu’ils puissent faire l’objet d’un démarchage prioritaire par les ambassadeurs de la rénovation thermique.

Proposition n°4 : accélérer le développement d’une filière spécialisée de qualité

Le service public de la performance énergétique doit pouvoir se traduire en rénovations concrètes et renvoyer à des offres concrètes portées par les professionnels.

Aujourd’hui, en France, la filière de la rénovation énergétique est très insuffisamment préparée au regard des objectifs de volumes de rénovation. Les artisans spécialisés capables d’intégrer une rénovation énergétique portant sur plusieurs aspects du logement (rénovation multi-lots) sont trop peu nombreux.

Il est nécessaire d’aider les filières du bâtiment (BTP, équipementiers…), artisans ou grandes entreprises, constructeurs ou exploitants, à travailler ensemble dès le début des projets, pour faire émerger des offres complètes adaptées aux différents segments du marché (maison individuelles, logements collectif, copropriétés…).

Plusieurs actions sont nécessaires pour accompagner les filières dans cette évolution :

– La formation professionnelle : en s’appuyant sur leurs compétences, les conseils régionaux doivent accentuer les efforts de formation dans ce domaine. Le programme FEEBAT, financé actuellement par les CEE, devrait être poursuivi et renforcé.

– Pour favoriser les efforts de recherche et développement, mais aussi la structuration organisationnelle et capitalistique de la filière, la Banque Publique d’Investissement, dans son rôle de financement des entreprises, devra consacrer des moyens particuliers au financement des entreprises du secteur.

– Continuer la politique de professionnalisation au moyen de labels, par un renforcement des critères d’attribution de la mention « RGE » (« Reconnu Grenelle de l’Environnement ») et du contrôle à posteriori, pour que cette mention puisse devenir à partir de 2015 une éco conditionnalité : seules les entreprises avec la mention RGE pourront permettre à leurs clients d’accéder aux aides financières publiques. En cohérence avec la proposition n°1, la mention RGE devra également évoluer pour intégrer la nouvelle marque de la rénovation énergétique.

L’accompagnement de la filière est un enjeu important dans l’ambition de rénovation énergétique des bâtiments puisqu’elle conditionne à la fois la capacité à faire, mais également la création de centaines de milliers d’emplois, et la capacité à projeter un savoir-faire national à l’export.

Proposition n°5 : utiliser la facture des énergéticiens pour sensibiliser les consommateurs, et rendre obligatoire la délivrance de modes d’emploi des logements

Peu de français ont réellement conscience de leur consommation énergétique, qu’il s’agisse de la consommation « en veille » de leur logement ou de l’impact de leur comportement sur leur consommation. Lorsque la conscience existe, il est souvent difficile de bien utiliser les équipements de maîtrise des dépenses énergétiques à disposition.

Nous proposons de mobiliser les énergéticiens pour mobiliser les consommateurs à travers leurs factures.

Le déploiement des compteurs intelligents, l’émergence des nouvelles technologies couplant mesures et internet devraient faciliter la prise de conscience d’ici une dizaine d’années. Sans attendre le déploiement de ces technologies, des moyens peuvent faciliter les prises de conscience. Ainsi, à l’image de ce qui se fait dans certaines régions des Etats-Unis, les énergéticiens pourraient avoir l’obligation de donner des indications de consommation par rapport à un benchmark simple, basé, par exemple, sur un niveau de consommation dans des logements identiques dans le même quartier. Une approche simple, basée sur quelques paramètres clefs (superficie, étage…) et matérialisée par des « smileys » permettrait à des ménages de se rendre compte que leur logement consomme plus que la moyenne.

Nous proposons également que soit rendu obligatoire la transmission d’un mode d’emploi du logement, lors des mutations ou des locations.

En contrepartie du soutien apporté à la filière, les professionnels doivent aider à la maîtrise des consommations par la bonne utilisation des technologies à disposition. Si, jusqu’à présent, ces outils étaient d’un emploi simple, la diffusion des outils sophistiqués tels que les compteurs intelligents ou les dispositifs de régulation de chauffage nécessite une bonne maîtrise de leur utilisation.

Ce mode d’emploi comportera à minima l’ensemble des modes d’emplois des appareils de chauffage et de régulation, de production d’eau chaude ou d’électricité, ainsi que tous les appareils de comptage disponibles, y compris les compteurs d’électricité, de gaz et d’eau.

A cet effet, les industriels fournissant les équipements intégrés dans les packages de rénovation, et les énergéticiens utilisant des compteurs seront tenus de fournir les modes d’emploi de leur équipement, sous format dématérialisé, au service public de la performance énergétique, et d’accepter que ces modes d’emplois soient mis en libre accès sur le site Internet du service public.

2 – Accélérer la prise de conscience par la fiscalité verte

La fiscalité est un outil puissant pour accélérer la prise de conscience et favoriser les réalisations. La mise en place d’une tarification progressive de l’énergie, en cours de débat au Parlement, est une première étape vers une fiscalité attachée aux surconsommations énergétiques, mais d’autres mesures peuvent être envisagées.

Proposition n°6 : approfondir la réforme du DPE pour qu’il intègre un affichage en €/m2, présente des bouquets de travaux, et devienne le seul référentiel technique des aides

Pour être efficace, les mesures envisagées doivent s’appuyer sur des critères techniques fiables. De ce fait, le DPE va devenir un outil essentiel dans les différentes étapes que sont la prise de décision, l’évaluation des travaux à conduire, le contrôle à posteriori des rénovations, sur lequel vont reposer les financements nécessaires. Il doit également faciliter l’émergence de la valeur verte des logements, en proposant un indicateur fiable de mesure de cette valeur.

La réforme du DPE en cours, qui doit entrer en vigueur en avril 2013, est absolument essentielle à toute politique d’efficacité énergétique et doit apporter une fiabilisation significative de cet outil.

La réforme actuelle devrait être approfondie pour apporter des éléments supplémentaires importants :

– faire apparaitre une mention supplémentaire à celles existantes (étiquette de consommation d’énergie, étiquette climat) : la dépense d’énergie en €/an. Pour faciliter la compréhension de cette mention par le plus grand nombre, l’étiquette de consommation d’énergie serait indiquée en kWh/an mais aussi en €/an [8] .

– pour aider les particuliers à juger des économies attendues, déterminer au niveau régional des bouquets de travaux types, permettant d’atteindre la partie haute de l’étiquette du DPE, en cohérence avec les objectifs globaux [9] . Ces travaux types pourront être déclinés à des échelles plus locales encore, afin de s’adapter aux spécificités architecturales. Ils seront relayés par le guichet unique et le site internet dédié.

– La partie recommandation relative aux travaux de l’actuel DPE devrait être renforcée par une liste détaillée des travaux à envisager pour améliorer la performance du logement. Pour faciliter la continuité entre l’approche technique et les outils de financement, le DPE devrait faire référence aux bouquets de travaux types, et mentionner une estimation chiffrée du coût des travaux à réaliser. Cette estimation du coût des travaux permettrait d’établir le niveau des aides et d’éviter une dérive inflationniste, ce qui est parfois le risque lorsque les aides publiques solvabilisent la demande.

Par ailleurs, pour éviter les fraudes et garantir les diagnostiqueurs contre les pressions, la responsabilité des diagnostiqueurs doit être renforcée. Pour ce faire, leur formation devra être approfondie et, en lien avec le Cofrac, le processus de délivrance de la certification revu pour devenir plus exigeant. Les diagnostiqueurs devront faire l’objet de contrôles réguliers pour s’assurer qu’ils effectuent les DPE conformément au référentiel défini. La transmission systématique des DPE à l’ADEME comme prévu par le décret de 2011, si elle n’est pas respectée, entrainera le retrait de la certification. Les outils utilisés doivent être limités en nombre et faire l’objet d’un suivi continu pour vérifier les résultats qu’ils produisent et les corriger si nécessaire [10] . La profession de diagnostiqueur aura donc un rôle central dans l’ensemble du dispositif et il est important qu’elle soit parfaitement encadrée.

Proposition n°7 : mobiliser les notaires pour participer à la sensibilisation, au repérage et au suivi de la qualité des bâtiments

Nous proposons que les notaires fournissent systématiquement une information sur l’enjeu et les moyens de la rénovation énergétique, à l’occasion de toute transaction immobilière, afin d’orienter si nécessaire l’acquéreur vers le service public de la performance énergétique. En effet, les transactions immobilières constituent une opportunité majeure pour permettre le passage à l’acte des ménages.

De plus, l’identification des logements énergivores par la puissance publique étant indispensable pour pouvoir enclencher une dynamique dans ce secteur, nous proposons que soit identifiés lors des ventes ou des locations les logements les plus énergivores. Pour compléter les informations collectées par l’ADEME, leurs coordonnées seraient transmises au pouvoir public, permettant au guichet unique et aux ambassadeurs de la rénovation thermique de les démarcher en priorité.

Au-delà de la constitution de cette vision énergétique du patrimoine immobilier français, la constitution d’un registre notarial de créances attachées à la pierre relatives à la rénovation des bâtiments permettrait l’émergence de nouveaux modes de financements des rénovations. Ce registre notarial pourrait également permettre d’enregistrer les travaux réalisés sur chaque bâtiment, de telle sorte qu’un suivi temporel et public soit réalisé. Ceci serait de nature à permettre la valorisation foncière du patrimoine ayant fait l’objet de rénovation.

Proposition n°8 : créer une véritable fiscalité immobilière verte

L’outil fiscal est un levier puissant pour favoriser l’accélération des rénovations énergétiques, car il va modifier les comportements et faciliter l’équation économique des rénovations. Il doit aussi permettre de faciliter l’émergence d’une « valeur verte » des logements, que la seule dynamique de marché ne prend encore que trop peu en compte.

Pour créer un choc de fiscalité immobilière verte, nous proposons l’instauration d’un bonus / malus basé sur le DPE du logement qui impacterait progressivement l’ensemble de la fiscalité immobilière.

Deux mesures pourraient être prises très rapidement :

– A titre emblématique, le bonus / malus pourrait d’abord être appliqué aux actifs immobiliers intégrés à l’ISF. Une modulation importante permettrait de déclencher rapidement les travaux de rénovation de la part d’acteurs, en général, solvables, et constituerait un premier effet d’entrainement.

– Ensuite, le bonus / malus devrait s’appliquer à la taxation sur les plus-values immobilières, incitant ainsi les vendeurs à transformer une partie de leur plus-value future en travaux de rénovation avec la double vertu de vendre probablement un peu plus cher par intégration d’une valeur verte, et de réduire les taxes à payer sur la plus-value réalisée.

A horizon 2015, le bonus / malus devra pouvoir s’appliquer aux droits d’enregistrements. Cette approche fiscale donnera un rôle important aux notaires et pourrait être articulée avec d’autres mesures telles que la création d’une base de données de l’état énergétique des logements, ou la proposition obligatoire de rénovation décrite ci-dessous.

Enfin, à plus long terme, le bonus / malus pourrait être appliqué à la fiscalité locale : taxe d’habitation ou taxe foncière sur les propriétés bâties. Bien entendu, ce dernier volet nécessite de s’inscrire dans le sujet plus vaste de l’acte III de la décentralisation et nécessitera de l’expérimentation avant d’être généralisé.

En contrepartie de cette fiscalité, considérant que la rénovation énergétique est une priorité nationale, nous demandons le maintien d’un taux réduit de TVA à 5 % pour les travaux de rénovation énergétique.

Proposition n°9 : accroître la taxation des revenus locatifs des logements dont le DPE est supérieur à la classe E

Pour inciter les propriétaires à rénover les logements qu’ils louent, même si ce sont leurs locataires qui bénéficieront des réductions de dépenses énergétiques, nous suggérons d’augmenter l’imposition des revenus locatifs provenant de logements loués dont le DPE est supérieur à la classe E.

Proposition n°10 : obligation future de rénovation avant mutation

Si les mesures fiscales sont un levier puissant, elles peuvent se révéler insuffisantes et il paraît indispensable d’annoncer dès aujourd’hui des mesures contraignantes futures, comme n’ont pas hésité à le faire d’autres pays européens et comme le recommande l’Agence Internationale de l’Energie.

Nous proposons que soit annoncée dès 2013, pour une mise en application en 2017–2020, l’obligation de rénovation au moment d’une mutation de tous les logements n’ayant pas atteint une performance énergétique compatible avec les objectifs de long terme (80 à 100 kWh/m².an). Cette obligation serait rappelée par les notaires au moment où ils sont saisis pour une mutation.

Pour atténuer cette mesure, outre les efforts de rénovation qui porteront sur cette catégorie de logements d’ici là, des aides spécifiques destinées aux personnes socialement les plus défavorisées seront mises en place.

La réalisation des travaux n’étant pas toujours possible immédiatement (cas des logements collectifs), ou bien n’étant pas souhaitable (moments difficiles au niveau personnel comme la perte d’un proche ou un divorce…) ou pas souhaité (planification de travaux ultérieurs), l’obligation pourrait être compensée par la mise en séquestre d’une somme correspondant au montant des travaux et attachée à la pierre.

La mise en place progressive de cette obligation pourrait passer par l’institution de mesures intermédiaires :

– mise en place d’un fonds de travaux obligatoires dans les copropriétés à partir de 2015 ;

– intégration de la question énergétique dans le décret salubrité, renforcement de la réglementation thermique sur l’existant ;

– dispositifs à caractère fiscal (cf. ci-dessus).

2. 3 – Financer

La question du financement est une question centrale de la rénovation énergétique comme le prouvent les approches retenues par nos voisins européens (voir annexes 1 et 2 sur les politiques du Royaume-Uni et de l’Allemagne en matière de rénovations énergétiques) . Les travaux énergétiques nécessitent des investissements et sont réalisés d’abord dans la perspective d’économies d’énergie futures, même si d’autres considérations, notamment de confort ou d’esthétisme, peuvent contribuer à la décision.

Au niveau micro-économique d’une opération de rénovation, plusieurs aspects sont à prendre en compte :

– les coûts des travaux , compris entre 3 000 € et 30 0000 € [11] suivant que l’opération ne porte que sur un aspect (opération mono-lot), ou sur plusieurs aspects (opération multi-lots) [12]  ;

– le coût du financement , qu’il s’agisse du coût d’un prêt lorsqu’il est nécessaire, ou de l’absence de rémunération des sommes mobilisées dans les travaux dans le cas d’un autofinancement ;

– les baisses de charges attendues , à travers la baisse des factures d’énergie, et la diminution des taxes modulées par le bonus / malus ;

– la création de valeur immobilière, qui peut résulter de la transformation des caractéristiques énergétiques du logement, souvent appelée «  valeur verte  » ;

- l’horizon de temps sur lequel sont considérés ces différents paramètres.

L’opération ne pourra être réalisée que si elle est financée avec un retour attendu compatible avec un horizon de temps raisonnable. Pour beaucoup de ménages, la réalisation d’opérations mono-lot à l’ambition énergétique limitée peut être réalisée par autofinancement, en profitant notamment d’opportunités de travaux (réfection de toiture vétuste, chaudière hors d’usage…).

Néanmoins, pour accélérer le rythme des rénovations et aller vers des rénovations suffisamment ambitieuses pour être cohérentes avec les objectifs globaux, il est nécessaire de mettre en place des moyens de financement externes qui contribuent à la prise de décision. Pour ce faire, les subventions et les prêts bonifiés sont aujourd’hui les outils de financement les plus à même d’accélérer les rénovations énergétiques des logements en contribuant à leur financement.

Pour bien comprendre dans quelle équation économique s’inscrivent ces outils, il nous parait nécessaire d’analyser un cas typique de rénovation énergétique d’un logement énergivore :

Exemple d’une rénovation lourde dans un logement énergivore

– Logement de 80m2

– Situation avant rénovation : classe F ou G, facture annuelle de 2 000€

– Hypothèse d’ évolution du prix de l’énergie : 2 %

- Travaux envisagés : 20 000 €, réduction de facture de 40 %

– Prêt : montant emprunté de 20 000€, au taux fixe de 1,5 %

Si, pour avoir une opération neutre sur le budget du ménage, les mensualités du prêt, hors intérêts, doivent rester en moyenne inférieures aux économies d’énergie, le prêt devra être de 20,5 ans, et les intérêts coûteront 3 300€.

Si l’augmentation de l’énergie est de 5 %/an et non plus de 2 %/an, la durée de prêt est ramenée à 16,6 ans, et le coût du prêt tombe à 2 700 €.

Si le coût des travaux , donc le prêt, ne sont plus de 20 000€ mais de 18 000€, ou si une subvention de 2 000€ est accordée, le prêt est ramené à 18,8 ans et coûte 2 800 €.

Si le taux d’intérêt n’est plus de 1,5 % mais de 1 %, le coût du prêt est ramené à 2 200€.

La prise en compte d’une économie fiscale de 200€/an permet là encore de réduire la durée de prêt à 17,5 ans et le coût du prêt à 1 800€.

Seule la prise en compte simultanée d’une augmentation de l’énergie de 5 %, d’une réduction du coût des travaux de 15 %, d’une économie de taxes de 200€/an permet de ramener le prêt à une durée plus raisonnable de 13 ans pour un coût de 1 100€.

Remarque : cet exemple est évidemment théorique, notamment sur la durée des prêts à envisager, car il n’est pas possible aujourd’hui d’obtenir des prêts de plus de 15 ans sur ces projets.

L’exemple précédent montre que tous les paramètres sont à considérer pour faciliter le financement des rénovations énergétiques lourdes. Il conforte également l’idée que plusieurs éléments ne sont pas pris en compte dans un raisonnement économique basé uniquement sur les économies futures d’énergie. La « valeur verte » ne peut être intégrée dans le raisonnement immédiat dans la mesure où elle ne dégage des ressources de financement qu’à la cession du logement et n’impacte donc pas le raisonnement des ménages qui doivent boucler un plan de financement. De plus, certaines externalités (émissions de gaz à effet de serre, investissements évités dans l’outil de production ou de transport de l’énergie, bénéfices sur l’emploi…) ne peuvent être répercutées qu’à travers l’action publique.

A partir de ces constats, nous proposons cinq mesures pour le financement des rénovations énergétiques des logements :

Proposition n°11: mettre en place un observatoire public des prix de la rénovation énergétique

S’agissant du coût des travaux, il convient de faciliter leur maîtrise et de s’assurer de la création d’un cercle vertueux qui permette la baisse tendancielle des coûts par la forte augmentation du nombre des rénovations générant des économies d’échelle, et par l’augmentation du nombre de professionnels formés favorisant la concurrence.

Nous proposons que soit mis en place, sous l’égide de l’ADEME, un observatoire public du prix des matériaux et de la main d’œuvre des travaux de rénovation énergétique. Cet observatoire devra être une aide pour que chaque ménage puisse faire le choix des artisans ou des entreprises qu’il va sélectionner, en connaissant les niveaux de prix auxquels il doit s’attendre. Cet observatoire devra être accessible via le guichet unique et ses différents vecteurs (numéro vert, site internet…).

Proposition n°12 : pérenniser et harmoniser les aides publiques autour d’un « prêt bonifié »

L’existence d’aides publiques est indispensable d’une part pour affirmer l’ambition du gouvernement sur ce sujet, d’autre part pour contribuer à boucler financièrement les opérations de rénovation et déclencher la décision.

Dans le principe, nous demandons la pérennisation des aides publiques, à un niveau au moins égal au niveau budgétaire existant. Néanmoins, pour améliorer l’efficacité des différents outils existants, des mesures d’harmonisation semblent nécessaires.

L’examen des dispositifs existants appelle les constats suivants :

– Le Crédit d’Impôt Développement Durable (CIDD) présente l’avantage d’être un levier assez direct sur la décision des ménages. Il présente néanmoins plusieurs inconvénients : celui d’être coûteux pour le budget de l’Etat (2,5 Mds en 2010, 845 M€ en 2012), de favoriser de façon parfois arbitraire telle ou telle technologie, de n’apporter un financement qu’une fois la dépense engagée et d’être utilisé essentiellement par les ménages aisés. Les critères d’attribution du CIDD se font par décret, et visent la mise en place d’équipements (chaudière, isolation, double vitrage …) qui permettent l’obtention du crédit d’impôt.

– L’Eco-PTZ utilisé jusqu’à maintenant présente plusieurs défauts bien connus : la responsabilité de l’instruction technique, donc le risque associé, est confiée aux banques ; l’intéressement des banques est par ailleurs limité car elles ne touchent qu’une marge de 0,35 % sous forme de crédit d’impôts. De plus, l’accrochage à un taux zéro peut se révéler coûteux pour l’Etat si les conditions de refinancement des banques évoluent. Les critères d’éligibilité à l’Eco-PTZ sont également fixés par l’Etat et visent la réalisation de bouquets de travaux ou de rénovations globales.

– Les Certificats d’Economie d’Energie, même s’ils n’ont pas été conçus comme un outil de financement, ont pu apporter un complément de financement à certaines opérations, plutôt pour la rénovation de logements sociaux ou de bâtiments tertiaires. A ce stade, en l’absence de bilan précis, chiffré et indépendant, il est difficile d’émettre un avis sur la suite de ce dispositif. Toute décision en la matière devra être prise en considérant le rôle que l’on veut faire jouer aux énergéticiens et l’utilisation des ressources financières que l’on demande à ces acteurs privés de mobiliser. Les CEE sont attribués sur la base de fiches CEE définies sous l’égide de l’Ademe et de l’ATEE.

Ce bilan fait rapidement apparaitre la diversité des approches qui complexifie l’utilisation de ces aides et met en lumière la nécessité d’une harmonisation.

Nous proposons la convergence rapide des critères techniques permettant l’attribution du CIDD et du prêt à taux bonifié qui devraient être strictement les mêmes. Ces aides aux financements ne devraient progressivement être attribuées que pour les rénovations dites lourdes, sur la base de bouquets de travaux types, tels que définis précédemment, permettant d’atteindre un objectif de 80 kWh/m².an, ou « performance énergétique globale ».

Cependant, pour ne pas créer de choc préjudiciable aux opérations en cours, l’évolution de ces dispositifs doit se faire progressivement et les orientations à moyen et long terme doivent être connues dès à présent. Les aides publiques (CIDD, prêt à taux bonifié, autres subventions) seront progressivement orientées selon une double logique :

– exclusion progressive des aides des ménages qui ont le plus de revenus ;

– concentration des aides sur les rénovations de qualité et sur les techniques d’innovation.

De plus, il doit être clairement annoncé que certaines aides publiques disparaitront progressivement, à mesure que la réglementation entrera en vigueur (réglementation globale et réglementation par technologie), en bonne cohérence.

En outre, nous proposons des évolutions spécifiques à chacun des dispositifs :

– Le CIDD devrait être optimisé, avec une évolution prévisible dans le temps des taux de subventions. A court terme, le CIDD devrait rester accessible à tous les ménages, mais un critère de revenus doit être annoncé pour une entrée en application progressive. Ceci doit permettre d’inciter les ménages les plus aisés à passer à l’acte rapidement, permettant ainsi d’amorcer le marché.

A moyen terme, le CIDD pourrait évoluer vers une aide attribuée au moment des travaux et distribuée par les collectivités, l’imputation restant sur le budget de l’Etat.

- Pour pouvoir devenir l’outil central de la politique de financement de la rénovation énergétique, l’Eco-PTZ doit être réformé pour intéresser davantage les banques dans leurs arbitrages ressources / revenus, les décharger de l’instruction technique et assurer la cohérence des critères d’éligibilité avec les autres outils autour des bouquets de travaux du DPE . De plus, il est souhaitable que tout en restant bonifié et très avantageux, son taux ne soit plus à 0 pour tous les projets et tous les bénéficiaires, mais que le taux du nouveau prêt vert bonifié soit modulé en fonction de l’ambition de rénovation, de la durée d’emprunt et de la situation sociale du bénéficiaire, à l’image de ce qui se fait en Allemagne. Afin de réduire les coûts de bonification pour l’Etat, certaines ressources financières telles que l’épargne des livrets développement durable pourraient être fléchées vers la distribution d’Eco-PTZ.

Proposition n°13 : créer un outil de refinancement qui permette d’orienter des liquidités vers l’efficacité énergétique, et d’abaisser les coûts de financement en mobilisant des ressources extrabudgétaires auprès de la BEI et des énergéticiens

Qu’il s’agisse de prêts bonifiés ou de montages innovants comme le tiers investissement (voir annexe 3) , les dispositifs de financement qui sont envisagés ne seront efficaces qu’à la condition que leur refinancement soit assuré. L’expérience montre qu’il ne suffit pas de donner aux banques la possibilité de distribuer tel ou tel produit pour qu’elles le fassent [13] , et que les opérations soient effectivement financées. Ainsi, si l’absence de marge directe et la responsabilité de l’instruction technique expliquent le peu d’entrain des banques à distribuer l’Eco-Ptz, le nouveau contexte bancaire est également une des causes de cette réticence.

En effet, depuis les crises de 2009 et surtout de 2011, les banques sont confrontées à un contexte réglementaire et de marché complètement inédit. Les nouvelles règles de Bâle 3 qui s’appliqueront aux banques françaises à partir de 2013 vont imposer de nouveaux coefficients de pondération des actifs en portefeuille pour le calcul des ratios prudentiels, en particulier des ratios de liquidité court terme (LCR) et long terme (NSFR) [14] . De plus l’expérience récente de crise des liquidités a rendu les banques prudentes dans la gestion de leurs ressources. Aujourd’hui, la plupart des banques tendent à réduire la taille de leur bilan et arbitrent plus fortement les crédits alloués par type de clients, tout en limitant les engagements au-delà de 10 ans.

Dans ce contexte nouveau, les prêts de rénovation énergétique apparaissent comme des objets atypiques, mal connus et peu attractifs. La durée des prêts souhaitables pour la rénovation énergétique, de dix ans ou plus, ne permet pas qu’ils soient considérés comme des prêts à la consommation. A contrario, la nature de l’objet financé ne permet pas de prendre des cautions et d’avoir une approche de prêts immobiliers.

Face à cette situation, seul l’apport de liquidités aux banques, fléchées vers la rénovation énergétique, débloquées opération par opération, permettra une distribution de prêts bonifiés en volume suffisant. C’est l’approche utilisée par les Allemands comme pilier de leur politique publique en matière de rénovation énergétique, qui a fait ses preuves depuis plus de dix ans.

Aussi, nous proposons que soit constitué un véhicule de refinancement, qui sur la base de ressources mobilisées auprès des énergéticiens et de la BEI, pourraient agréger d’autres ressources (fonds d’épargne, fonds de pension, fonds d’assurance), et apporter des lignes de refinancement fléchées vers l’efficacité énergétique .

Cette approche s’intégrerait naturellement dans le contexte de la nouvelle Directive européenne sur l’efficacité énergétique qui prévoit, dans son article 20, d’inciter à la création d’outils de financement. Cette proposition rejoint les propositions faites dans deux notes de Terra Nova sur le financement des énergies renouvelables [15] et la transposition de la Directive européenne [16] .

Pour constituer un tel véhicule tout en minimisant son impact sur le déficit public français, deux ressources pourraient être mobilisées. Dans le cadre de la nouvelle Directive européenne, les énergéticiens pourraient être mis à contribution pour constituer un socle de fonds propres, qui peut être évalué à plusieurs milliards d’euros en 5 ans. Sur cette base, la France pourrait mobiliser les ressources de la BEI pour qu’elle apporte une ligne de refinancement globale à ce véhicule. En effet, suite au débat sur la relance en Europe voulu par le Président Hollande au printemps dernier, la BEI sera dotée début 2013 d’une capacité additionnelle de prêts de 60 milliards d’euros. Lors des débats, l’efficacité énergétique a été clairement identifiée comme l’une des sujets prioritaires pouvant contribuer à la relance. Il est donc indispensable que le gouvernement français se mobilise pour que la France obtienne un financement substantiel de la BEI dans ce domaine, et récupère les fruits d’un débat qu’elle a elle-même lancé.

La mise en place d’un tel outil nécessite un soutien politique fort et un travail d’instruction de plusieurs mois. Nous demandons que l’ensemble des acteurs compétents (services du ministère des Finances, Caisse des dépôts, fédération des banques…) soient mobilisés pour travailler sur la création de circuits de financement indispensables à la réussite d’un programme d’ampleur dans la rénovation énergétique des bâtiments .

Proposition n°14 : favoriser l’émergence du tiers-financement par des structures publiques, semi-publiques (SEM) ou privées, et favoriser le développement de CPE de qualité

Malgré l’existence de prêts bonifiés et de subventions, l’investissement peut s’avérer problématique pour de nombreux ménages.

Face à ce constat, plusieurs initiatives de tiers-financement se sont développées, notamment à l’initiative de conseils régionaux, via des SEM d’efficacité énergétique mais également sous d’autres formes (SPL, régies…). Certaines entreprises proposent également des services de tiers financement.

Nous demandons à ce que les projets de tiers financement soient soutenus et que les projets tiers-financés puissent bénéficier des subventions publiques et des conditions de refinancement prévues pour les travaux financés par des moyens conventionnels.

Une manière de promouvoir ce type de montage pourrait être que les collectivités et l’Etat le testent sur une fraction de leur parc immobilier (écoles, lycées, gymnases, bâtiments administratifs…).

D’une manière générale, le tiers financement constitue une innovation qu’il convient de soutenir et auquel il faut apporter les conditions de réussite, notamment en accordant une attention particulière aux frottements fiscaux ou réglementaires qu’il convient de lever très rapidement.

Outil complémentaire du tiers investissement, le Contrat de Performance Energétique doit être encouragé. Cela implique une meilleure transparence des contrats passés qui permettra d’accélérer la courbe d’apprentissage et la sécurisation juridique, comme l’ont montré les travaux du Plan Bâtiment Durable.

Proposition n°15 : accélérer la diffusion de l’éco-PLS pour les logements sociaux pour atteindre 120 000 logements/an

L’éco-PLS est aujourd’hui l’outil principal de soutien à la rénovation thermique des logements sociaux. Une dynamique s’est enclenchée (70 000 rénovations par an) mais doit être accélérée pour atteindre l’objectif de 120 000 logements rénovés par an. Si cela s’avère nécessaire pour accentuer la dynamique, le taux de l’éco-PLS pourrait être rendu plus incitatif en le ramenant au taux du livret A moins 30 à 40 points de base. Le surcoût de l’ordre de 100 M€ par an en incluant l’effet volume devrait être financé par une recette équivalente, par exemple la baisse de 0,05 % du taux de commissionnement des banques sur les livrets d’épargne réglementés.

Annexe 1: la politique du Royaume-Uni en matière de rénovations énergétiques

Depuis 2011, le Royaume-Uni met en place un nouveau dispositif de politique d’économie d’énergie, le Green Deal, qui a démarré officiellement le 1 er janvier 2013. Ce dispositif original doit permettre d’apporter un financement aux opérations de rénovation énergétique des particuliers avec un étalement des remboursements pour qu’ils soient inférieurs aux économies espérées (« la règle d’or ») et avec un rattachement des créances au compteur électrique. Ce dernier point permet de donner un rôle central à l’occupant du logement : c’est lui qui rembourse la créance via sa facture d’électricité . Le Green Deal est donc transféré d’un occupant du logement au suivant lors des mutations ou des relocations.

Pour obtenir un financement, un particulier doit faire réaliser un diagnostic par un expert (« Green Deal Assessor »), puis démarcher un fournisseur, le « Green Deal Provider », qui lui propose des solutions de rénovation, incluant le financement. Sur cette base, le Green Deal Provider obtient un financement auprès de la Green Deal Finance Company, une société de droit privé à but non lucratif créée par une cinquantaine d’acteurs publics et privés. Si le plan de financement ne permet pas de respecter la Règle d’Or, il est également possible de toucher une subvention provenant des ECO (Energy Companies Obligations), fonds subventionnel doté par les énergéticiens à hauteur de 1,3 milliard de livres par an. Un locataire peut demander la rénovation de son logement, qui ne peut lui être refusée par son propriétaire, sauf demande déraisonnable.

La Green Deal Finance Company devrait se refinancer dans un premier temps par les fonds propres apportés par ses fondateurs, et par de la dette apportée par la Green Investment Bank. Elle espère ensuite obtenir un prêt de la BEI puis pouvoir très rapidement émettre des obligations adossées aux créances « Green Deal ».

Le Green Deal présente l’avantage théorique d’un dispositif intégré qui associe une incitation à faire, portée par plusieurs acteurs privés ou publics, avec un système d’aides et de financement original. Le Green Deal n’est entré en application réellement que début 2013 et le programme doit encore faire ses preuves, notamment sur sa capacité à proposer des financements à des coûts raisonnables et à trouver une bonne articulation entre les différents métiers du secteur, afin de permettre concrètement la réalisation de rénovations.

Annexe 2 : la politique allemande en matière de rénovations énergétiques

En Allemagne, la politique d’économies d’énergie comporte trois volets étroitement articulés :

– une réglementation avec des obligations portant sur les constructions neuves, mais aussi sur les logements anciens qui doivent obtenir des certifications lors des mutations ou d’un changement de locataire ;

– des mesures d’information, de sensibilisation et de conseil visant des comportements plus économes en énergie, notamment à travers la Deutsche Energie-Agenture (DENA) ;

– des financements apportés par la banque publique KfW ( Kreditanstalt für Wiederaufbau ). Depuis 2006, ces financements visent prioritairement la réhabilitation de logements anciens et prennent la forme de prêts bonifiés et de subventions. Ils s’adressent principalement aux particuliers, mais aussi aux organismes de logements et aux collectivités.

Pour obtenir un prêt bonifié, le bénéficiaire doit faire réaliser un audit par un expert certifié puis présenter le dossier ainsi certifié à sa banque. Celle-ci fait l’instruction financière, transmet le dossier à KfW qui en vérifie la conformité avant que le prêt ne soit accordé. La banque se refinance auprès de KfW, ligne à ligne, et se voit accorder une marge de 0,75 %.

Les taux bonifiés de ces prêts sont actuellement compris entre 1,5 % et 2,45 %. Ce taux est fixe sur les dix premières années puis révisé au bout de dix ans. Le niveau de bonification dépend de l’ambition énergétique des travaux.

Par ailleurs, un particulier peut obtenir des subventions directement auprès de KfW, ou auprès des collectivités locales.

Pour ce programme, KfW s’appuie sur deux ressources : des émissions obligataires sur les marchés, et des financements apportés par l’Etat sur la base des contributions des énergéticiens allemands au fonds EKF de financement de la politique énergie – climat. Cette contribution qui s’est élevée à 1,5 milliard d’euros pour 2011, a été négociée par le gouvernement allemand en échange de l’autorisation de prolongation de la durée des centrales nucléaires.

Annexe 3 : Tiers-investissement et CPE, deux concepts différents mais complémentaires

Le tiers investissement part du constat que les investissements réalisés dans les travaux de rénovation énergétique vont générer des économies sur les factures d’énergie futures. L’idée est alors que ces économies futures puissent financer les investissements de rénovation. Le tiers investissement vise à faire porter l’opération d’investissement par un acteur tiers, qui va ensuite se remboursement sur les économies d’énergie réalisées. Dans le concept théorique du tiers investisseur, celui-ci se rémunère sur les économies d’énergie effectivement constatées, année après année. En pratique, cette approche est rarement appliquée car elle ferait prendre au tiers investisseur le risque de l’évolution du prix de l’énergie, et dépend aussi du comportement des utilisateurs des locaux qui peuvent être tentés de changer leurs habitudes de consommation énergétique après travaux. Les calculs sont donc faits à priori, et la rémunération du tiers investisseur calée pour être inférieure aux économies de factures d’énergie anticipées.

Le tiers investissement peut être intéressant lorsqu’il est porté par un « opérateur d’efficacité énergétique » (ESCO) qui apporte outre le financement, des conseils et facilite la mise en place des travaux. Il est plus adapté au tertiaire et aux grand ensembles immobiliers qu’au résidentiel diffus, même si des initiatives à caractère public sont en cours de lancement (comme la Sem Energies POSIT’IF en région Ile-de-France). Le tiers investissement trouve par ailleurs sa limite dans la capacité du tiers investisseur à se refinancer, d’où l’importance de disposer d’un véhicule de financement national.

Le Contrat de Performance Energétique est une modalité contractuelle par laquelle un fournisseur de technologie, active ou passive, ou un ensemblier garantit la performance énergétique apportée par la solution qu’il met en place. La performance est garantie dans des conditions d’usage et d’environnement de référence (en particulier la température extérieure) suivant des modalités définies dans le contrat. Aujourd’hui, le Plan Bâtiment recommande de séparer la notion de garantie de performance énergétique intrinsèque (GPEI) et celle de garantie de résultat énergétique sur l’usage (GRE). Le CPE paraît plus adapté à couvrir la GPEI, et moins la GRE qui nécessite un encadrement des comportements peu adapté au logement. Si la performance n’est pas atteinte, le fournisseur s’engage à dédommager le bénéficiaire suivant des modalités là aussi prévues au contrat.

En théorie, ce modèle doit sécuriser les deux parties et faciliter le financement. Le bénéficiaire disposant d’une garantie plus forte sur ses économies futures peut plus facilement se financer. En réalité, le CPE est un outil récent qui doit encore faire ses preuves dans les cas de défaut et qui nécessite que les acteurs de la filière acceptent plus de transparence dans les contrats.

Tiers Investissement et CPE se rejoignent naturellement lorsqu’un tiers investisseur cherche à diminuer son risque en reportant une partie de celui-ci sur le fournisseur de technologie via un CPE.

  1. * Pseudonyme

  2. http://www.tnova.fr/essai/ma-triser-l-nergie-un-projet-nerg-tique-pour-une-soci-t-responsable-et-innovante

  3. Pour la première fois depuis le début de l’ère industrielle, le prix de l’énergie risque de croitre durablement plus rapidement que le PIB dans les pays développés, avec pour conséquence que la part de la facture énergétique va augmenter sensiblement dans le budget des ménages à niveau d’efficacité énergétique constant.

  4. Loi n°2005–781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique

  5. Voir la précédente publication : «  Directive Efficacité Energétique, pour des objectifs français ambitieux » :

    http://www.tnova.fr/note/directive-efficacit-nerg-tique-pour-des-objectifs-fran-ais-ambitieux

  6. Le montant de ce financement peut être évalué entre 200 et 400 M€ en fonction du cours des quotas CO2 sur le marché européen.

  7. Dans les grandes masses, le parc de logements est constitué d’environ 32 millions de logements, et se décompose en 4 millions de logements très énergivores, 7 millions de logements proches des bonnes normes de consommation et 17 millions de logements qui, sans être très énergivores, méritent d’être rénovés.

  8. Une mention devrait indiquer la date de calcul, donc la référence du prix de l’énergie pris en compte.

  9. Probablement entre 100 et 80 kWh/m2.an.

  10. En Allemagne, ce rôle est assuré par la KfW à travers une petite équipe technique, puisque le taux des prêts qu’elle accorde dépend de l’ambition énergétique des travaux, donc de l’état du logement au départ.

  11. Le coût des travaux envisageables varie beaucoup suivant le type de travaux, l’état du logement, la surface…

  12. Les opérations multi-lots sont en général nécessaires pour les rénovations cohérentes avec les objectifs globaux.

  13. A ce sujet, l’exemple de l’utilisation de l’épargne réglementée est éloquent. L’article 145 de la loi LME a institué l’obligation pour les banques d’utiliser une partie de l’épargne réglementée qu’elles collectent, et qui n’est pas centralisée auprès de la Caisse des dépôts, pour financer la rénovation énergétique des bâtiments anciens. Or le rapport de l’Observatoire de l’Epargne Réglementée de Juin 2012 indique que les banques ne différencient par leur offre en fonction de la nature des travaux, et qu’il n’est donc pas possible de vérifier la bonne utilisation de ces fonds.

  14. Les modifications annoncées par le Comité de Bâle devraient décaler certaines échéances.

  15. « Transition Energétique : financer à moindre coût les énergies renouvelables » parue le 19 novembre 2012 :

    http://www.tnova.fr/note/transition-nerg-tique-financer-moindre-co-t-les-nergies-renouvelables

  16. « Directive Efficacité Energétique » : pour des objectifs français ambitieux, parue le 29 novembre 2012 :

    http://www.tnova.fr/note/directive-efficacit-nerg-tique-pour-des-objectifs-fran-ais-ambitieux

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