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Série « Européennes 2024 »

L’écologie, ça commence à bien faire. En Europe aussi ?

L’écologie est entrée dans un nouvel âge : celui de la transformation systémique de nos sociétés. Celle-ci suscite des résistances nombreuses pour retarder, limiter ou amoindrir les mesures décidées à l’échelle européenne. Un nouvel arc idéologique d’obstruction à l’écologie se dessine à cette occasion, qui pourrait rapprocher les conservateurs et l’extrême droite au cours de la campagne pour les prochaines élections européennes de juin 2024 et de la future mandature 2024–2029.

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L’opposition à la lutte contre le changement climatique et à la protection du vivant a muté. Elle s’est longtemps incarnée dans le climatoscepticisme, c’est-à-dire la négation même de l’existence du dérèglement climatique et de ses conséquences, ou, au mieux, la contestation de son origine humaine. Ce fut en partie la stratégie suivie par Donald Trump aux Etats-Unis entre 2016 et 2020. Face à l’accélération des impacts du dérèglement climatique, une telle stratégie du déni s’est progressivement marginalisée parmi les gouvernements européens, si bien qu’en décembre 2019, tous ont souscrit à l’objectif de neutralité climatique en 2050, issu de l’accord de Paris, à l’exception du gouvernement polonais de droite nationaliste. Et c’est une Présidente de la Commission européenne chrétienne-démocrate, Ursula von der Leyen, qui a déployé l’ambitieux agenda du Pacte vert (Green Deal) européen.

En a résulté une accélération de la transition écologique qui change peu à peu la donne. En effet, les transformations qu’elle impose ne sont plus de l’ordre de la théorie ou d’un avenir lointain : elles entrent désormais dans une phase de mise en œuvre concrète avec de nouvelles règles du jeu notamment issues des législations votées dans le cadre du paquet climat entre 2019 et 2023 au niveau européen. La période qui s’ouvre n’est plus celle des promesses et des engagements généraux mais celle de l’action, des décisions et des réalisations concrètes. Et les changements massifs qu’elle implique comportent à l’évidence leur lot d’opportunités et d’innovations, mais aussi de tensions. C’est un processus inévitable qui forme une sorte de « nouvel âge de l’écologie », celui de l’entrée dans la transformation systémique.

Ce changement d’âge de la transition écologique affecte les stratégies des grandes familles politiques européennes. L’opposition entre les pro-transition et les climatosceptiques prend de nouvelles formes. Beaucoup glissent, en particulier, de la simple négation du changement climatique à une stratégie d’obstructionnisme vis à vis des mesures décidées pour lutter contre le dérèglement du climat en dénonçant leur impact sur nos modes de vie. Que ce soit au plan européen ou national, cette stratégie politique vise un rendement électoral plus élevé que la pure posture négationniste, qui continue d’exister notamment sur les réseaux sociaux mais qui plafonne de manière structurelle dans l’opinion. Les mouvements qui s’engagent dans cette nouvelle stratégie peuvent ainsi espérer élargir le champ de leurs soutiens dans la société. Cette perspective attise les appétits non seulement de ceux qui, hier encore, adhéraient bruyamment au négationnisme mais aussi de formations politiques voisines, jusqu’ici moins présentes sur le sujet de l’anti-écologie. C’est la raison pour laquelle se dessine aujourd’hui un nouvel arc écolosceptique qui englobe, à droite de l’échiquier politique, l’extrême-droite originelle et une part croissante des conservateurs européens. Ce positionnement est même considéré par ses défenseurs comme un axe susceptible de structurer idéologiquement l’alliance des droites conservatrices européennes. En conséquence, il pourrait constituer l’un des clivages les plus importants de la campagne pour les prochaines élections européennes de juin 2024 et de la future mandature 2024–2029..

Analyser cette tendance nouvelle est nécessaire pour mener le combat contre ceux qui veulent affaiblir notre volonté et notre capacité à tenir nos engagements climatiques. Nous sommes en effet convaincus que la nouvelle stratégie des écolosceptiques n’est qu’une nouvelle forme de déni climatique (1) et qu’elle conduit aux mêmes conséquences : sortir des rails de l’Accord de Paris. Nous sommes également convaincus qu’elle ferait courir un risque majeur à la souveraineté européenne (2). Loin d’être agenda de « reprise de contrôle », l’écoloscepticisme est en effet une soumission aux autres puissances.


 

1. Les extrême droites adaptent leur discours mais œuvrent toujours à l’inaction climatique

Le combat culturel pour la protection du climat et du vivant a pu parfois semblé gagné. Tous les partis ont à des degrés variables, y compris parfois en trainant les pieds, intégré les objectifs de la transition dans leur rhétorique, et souvent aussi dans leurs programmes. L’extrême droite, notamment en France, tente de faire oublier l’époque pas si éloignée où elle communiait avec les fake news négationnistes et de mettre en scène une approche plus consensuelle accommodée au localisme nationaliste. La stratégie est claire : il s’agit de se « dédiaboliser » pour augmenter ses chances d’accéder au pouvoir. Marine Le Pen qui accusait en 2012 les scientifiques du GIEC d’être des « prêtres du changement climatique », affirme ainsi en 2022 qu’elle n’a « jamais été climatosceptique ».

Ces revirements sont aujourd’hui légions. Mais ils ne résistent pas à l’examen. Une lecture plus attentive des prises de position et des programmes des représentants les plus éminents de l’extrême droite européenne démontre qu’en réalité, ils n’ont pas réellement changé de doctrine vis à vis de la lutte contre le changement climatique. Le nouvel écoloscepticisme est le plus souvent un avatar grossier du vieux climatoscepticisme quand celui-ci n’a pas tout simplement survécu sous ses formes les plus ordinaires.

a)Le déni de la crise climatique est toujours constitutif de l’extrême droite

La négation de la nécessité d’agir pour protéger le climat et le vivant reste en effet la norme de plusieurs formations d’extrême droite en Europe. En Allemagne, l’Alternative für Deutschland (AfD) créditée de plus de 18% des voix en janvier 2024 ? déclare ainsi dans sa plateforme électorale pour les élections européennes adoptée en juillet 2023 qu’aucune preuve scientifique n’atteste la réalité d’un risque de changement climatique, ce qui justifie l’inaction : l’Allemagne étant un pays riche et prospère, elle aura les moyens de répondre à toute crise extérieure ; en revanche, si elle s’affaiblit économiquement, elle perdra cette capacité[1]. Cette affirmation peut d’ores et déjà être infirmée : on sait en effet qu’une économie non adaptée au changement climatique va vite devenir non assurable[2], tandis que l’effondrement de la biodiversité pose un risque majeur pour 75% des prêts bancaires européens car ils sont destinés à des entreprises dont l’activité dépend directement des services rendus par la biodiversité [3].

Quels que soient les euphémismes qui l’accompagnent parfois, cette négation est partagée par la plupart des formations d’extrême droite du continent : les Démocrates suédois (parti d’extrême droite) critiquent un supposé manque de fondement scientifique à la crise climatique[4] tandis que le parti espagnol VOX n’a eu de cesse d’attaquer la « religion du climat défendue par Bruxelles » lors des élections législatives de 2023, cumulant déni du changement climatique et déni de son soubassement scientifique. Cette relation malléable à la science et à l’information est d’ailleurs assumée par l’ensemble des partis d’extrême droite au niveau européen : le groupe Identité et Démocratie (ID) qui réunit le RN français et d’autres partis d’extrême droite comme la Lega italienne et l’AfD allemande a soutenu en novembre 2023 un amendement au Parlement européen supprimant les appels à combattre la désinformation liée au changement climatique[5]. Difficile d’être plus explicite.

La permanence du climatoscepticisme à l’extrême droite se traduit également par un rejet explicite ou implicite de l’Accord de Paris sur le climat. En France, Marine Le Pen a nié, pendant la campagne présidentielle 2022, vouloir sortir de cet accord mais son programme prévoit de l’appliquer au rythme voulu par la France[6]. Or, l’Accord de Paris repose justement sur un engagement des Etats à atteindre des objectifs de baisse des émissions à une date précisée dans l’Accord, en l’occurrence la neutralité climat en 2050 au plus tard pour les pays les plus riches (Europe, Etats-Unis, Japon). Remettre en cause ce calendrier, c’est donc, de fait, sortir de l’Accord de Paris. De plus, le RN s’est opposé à toutes les mesures qui figurent dans tous les scénarios du GIEC pour atteindre nos objectifs climatiques. Il s’est opposé à l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, tant en Europe qu’en France (loi ENR et directive RED). Il a même défendu un moratoire sur les nouvelles installations renouvelables et le démantèlement de certaines installations existantes en France, rendant de facto impossible le respect des engagements climatiques français. En effet, aucun rapport du GIEC ne prévoit de scénario énergétique compatible avec un réchauffement climatique inférieur à 2 degrés sans développement massif des renouvelables, mais aussi du nucléaire et de la sobriété. Le RN n’est pas le seul à rejeter en bloc ce triptyque sobriété, renouvelables, nucléaires : l’AfD en particulier s’oppose à la sobriété énergétique de l’industrie[7] et, comme le RN, combat toute politique active d’implantation de capacités éoliennes terrestres[8].

De même, au Parlement européen, le groupe ID a voté contre l’électrification du secteur de l’automobile alors même que tous les scénarios scientifiques cohérents avec l’Accord de Paris prévoient une électrification massive des transports pour réduire l’utilisation des énergies fossiles. Plus explicite encore, en Allemagne, l’AfD a déposé une résolution parlementaire[9] demandant à l’Etat fédéral de se retirer officiellement de l’Accord de Paris. Aux Etats-Unis, la première action climatosceptique de Donald Trump fut justement de sortir son pays de cet accord international. L’unanimité de facto ou de jure contre les accords internationaux démontre le rejet de l’approche coopérative au niveau international dans la lutte contre le changement climatique et la protection du vivant, rendant caduque le succès de celle-ci et rangeant définitivement les partis d’extrême droite dans le camp des climatosceptiques, quel que soit le degré auquel ils assument politiquement cette posture.

b) Une extension du terrain du scepticisme écologique : des fausses solutions à débusquer

Ce climatoscepticisme classique a toutefois trouvé un nouveau terrain de jeu à la faveur de l’extension du domaine de l’action environnementale. Impliquant des changements profonds dans tous les secteurs de l’économie et dans nos vies quotidiennes, la transition fournit des opportunités nouvelles à l’extrême droite de s’opposer à ce qu’ils considèrent comme une remise en cause inacceptable de nos modes de vies. La position des écolosceptiques est ici celle d’un obstructionnisme : sans remettre ouvertement en cause la nécessité de la transition écologique, il empêche tout ce qui pourrait la traduire en actes, ce qui revient à sortir sans le dire de l’Accord de Paris, à ruiner le Green Deal, et ainsi à produire les mêmes conséquences que la mise en pratique du déni climatique : un monde à plus de 4 degrés de réchauffement, donc une Europe à plus de 8 degrés car notre continent se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale ! C’est la réalité et la conséquence des tous les programmes d’extrême droite en Europe, comme hors de notre continent, aux Etats-Unis, au Brésil ou en Argentine. Et c’est ce que promeut très clairement l’ensemble des familles d’extrême droite européenne qui appelle à « abolir » le Green Deal européen[10].

Trois secteurs sont particulièrement visés par ces familles politiques et indiquent que le climatoscepticisme est désormais un obstructionnisme anti-écologique plus complet : la mobilité, l’agriculture et le logement. Pour chacun d’eux, les extrêmes droites activent le clivage classique centre/périphérie, urbain/rural, élites/peuple en l’appliquant à l’écologie.

Sur la mobilité : c’est l’un des sujets les plus saillants du discours de l’extrême droite, notamment après l’adoption de la législation européenne sur les standards d’émissions des voitures au titre de laquelle tous les véhicules neufs vendus à partir de 2035 devront être zéro-émissions. La plupart des partis d’extrême droite européens se sont emparés du sujet pour le décrire comme un danger pour la liberté d’aller et de venir, et comme une injustice à l’égard des habitants des périphéries et des zones rurales, en raison du prix de ces véhicules électriques, que seuls les habitants aisés des centres pourraient se permettre d’acheter, et de l’absence d’infrastructures de bornes de recharges dans les zones rurales. Le programme de l’AfD est particulièrement explicite sur ce sujet : « L’AfD soutient le maintien du moteur à combustion. La préférence unilatérale de l’UE pour l’électromobilité doit être immédiatement stoppée, car celle-ci ne peut pas être utilisée sur l’ensemble du territoire pour des raisons de manque de capacité électrique et d’infrastructure. En outre, la production de batteries est bien plus polluante que le moteur à combustion  »[11][12].

Revenons aux faits : selon la législation européenne, les véhicules neufs mis sur le marché à partir de 2035 devront être zéro-émissions (ce qui aujourd’hui signifie électriques même si la législation ne porte pas sur une technologie particulière mais sur un niveau de performance), mais elle n’interdira pas la circulation des modèles thermiques mis sur le marché précédemment. Si vous achetez une voiture thermique neuve en 2034, elle pourra toujours rouler en Europe après 2035, et même être revendue sur les marchés d’occasion. La durée de vie d’une voiture étant en moyenne de 15 ans, il est raisonnable de dire que des voitures thermiques seront disponibles en Europe jusque 2050. Cela nous donne le temps nécessaire pour déployer massivement les bornes de recharges et pour développer une industrie de la batterie et de son recyclage via la législation européenne sur les batteries qui génère des résultats sur le terrain avec, par exemple, la vallée de la batterie dans les Hauts-de-France, l’implantation de l’usine Northvolt en Suède via un soutien financier inédit de la Banque Européenne d’Investissement, ou bien en Pologne où des projets de méga usine de batterie sont portés par Volkswagen, Umicore et PowerCo[13]. Cela nous donne également le temps d’investir dans notre industrie pour développer une offre européenne de véhicules électriques abordables : Renault prévoit déjà de lancer une voiture électrique neuve à moins de 20.000 euros dès 2025 et Volkswagen de lancer son modèle ID.2 à moins de 25.000 euros en 2025 également. Cette accélération législative impacte d’ailleurs dès maintenant le déploiement industriel avec par exemple une multiplication par 10 en trois ans (2019–2022) du rythme d’installation de bornes électriques en France et l’atteinte dès 2023 des objectifs européens prévus pour 2026 en la matière[14]. L’extrême droite écolosceptique crée en réalité de toutes pièces les craintes qui lui servent électoralement, au mépris des faits et des actions déjà à l’œuvre. Et elle déploie une stratégie obstructionniste vis-à-vis du déploiement massif de la mobilité électrique qui, si elle était suivie, rendrait impossible l’atteinte de nos objectifs climatiques européens et donc ceux de l’Accord de Paris. L’extrême droite n’est pas là pour chercher les solutions, mais au contraire pour faire en sorte qu’elles ne se déploient pas !

Sur la transition agricole et alimentaire, les partis d’extrême droite affichent une volonté de structurer le débat autour du « pour ou contre » : « pour ou contre » la viande, « pour ou contre » le modèle de production conventionnel, « pour ou contre » la souveraineté alimentaire… Cela s’est vu à grande échelle lors de la crise agricole récentes ou en cours dans de nombreux pays européens. En Espagne par exemple, Vox se pose comme le défenseur de la consommation de viande et de lait, pour maintenir les activités d’élevage sur le territoire national[15]. Fratelli d’Italia, Vox ou l’AfD reprennent les rumeurs complotistes, pourtant démenties, selon lesquelles les gouvernements européens seraient sur le point d’obliger leurs citoyens à manger des insectes comme substitut à la viande d’élevage, et font des propositions législatives pour l’interdire[16]. Ils soutiennent également sur le plan symbolique la consommation de viande comme un acte politique. Alice Wiedel, leader de l’AfD, déclarait ainsi le 4 septembre 2023 : « Ils veulent nous interdire le jarret de porc, la saucisse grillée… l’escalope ! Et je peux vous dire que je n’accepterai pas qu’on me prive de mon escalope. Que personne ne touche à mon escalope ! ».

Que répondre à cette intensification des clivages liés à l’agriculture ? Tout d’abord que l’inaction climatique est en effet déjà un problème pour l’agriculture, pour les rendements et donc pour les revenus de nos agriculteurs et pour notre souveraineté alimentaire. En Italie par exemple, la production agricole totale diminue et des surfaces de production de riz dans le Nord du pays sont perdues à cause du changement climatique, alors qu’il s’agit du plus gros producteur européen de cette céréale. En Espagne, la production d’huile d’olive a chuté de plus de 50% en volume entre 2021 et 2023, expliquant l’augmentation des prix de ce produit de base de la cuisine méditeranéenne[17]. En France, le secteur de l’élevage bovin est déjà en crise et le cheptel des élevages extensifs se réduit inexorablement d’année en année alors que c’est celui qui est le plus vertueux sur le plan écologique en contribuant à un système de polyculture élevage. Ce n’est donc pas la transition qui le fragilise mais au contraire l’absence de solutions environnementales. La Politique agricole commune actuelle continue, malgré nos efforts, d’encourager la concentration en Europe au détriment des petites et moyennes exploitations, qui ont souvent à la fois un modèle environnemental plus pertinent car plus diversifié et des coûts économiques plus élevés en raison de leur moindre taille.

Inversement en s’opposant au développement des énergies renouvelables comme à la décarbonation du secteur aérien[18], les partis d’extrême droite privent les agriculteurs d’une source de revenu et de créations de valeur à travers l’utilisation d’une biomasse agricole qui contribuera à la disponibilité de biocarburants de seconde génération pour l’aviation ou à l’inaction de gaz vert issu de la méthanisation dans notre mix énergétique. Sans objectifs accrus sur les renouvelables ou sur la décarbonation de la mobilité, pas de revenus issus de la méthanisation des déchets ou de l’installation de parcs éoliens ou solaires (agrivoltaïsme).

Par ailleurs, en Europe, l’augmentation des prix de nos productions agricoles est directement liée aux prix des énergies fossiles et en particulier du gaz naturel qui est l’un des composants de bases des engrais synthétiques. La déstabilisation de certaines exploitations agricoles qui en a résulté n’est donc en rien liée à la transition mais au contraire a tout à voir avec l’absence actuelle d’engrais verts produits en Europe, par exemple avec de l’hydrogène décarboné, que le Pacte vert cherche justement à développer. En définitive, l’extrême droite écolosceptique continue de nier en bloc la nécessité de l’adaptation de notre système alimentaire et agricole à un changement climatique qui a déjà des impacts dramatiques sur les exploitations. Les agriculteurs et les consommateurs seraient les premières victimes de ce déni si ces formations accédaient demain au pouvoir.

Sur le logement : la question de la rénovation thermique a déclenché un débat profond dans certains Etats de l’Union, en particulier en Allemagne et en Italie. L’AfD a présenté cette mesure comme une attaque au sacro-saint droit de propriété[19], un élément constitutif des démocraties libérales, dont le parti d’extrême droite se fait (ironie de l’Histoire) le défenseur. sur ce sujet précis. En Italie, la rénovation thermique des bâtiments a été mise en contradiction avec l’héritage identitaire et architectural du pays par la Lega et par Fratelli d’Italia. Ces deux réactions font suite à la loi européenne EPBD (pour Directive sur les performances énergétiques des bâtiments) dont la négociation finale s’est conclue en décembre 2023 et qui prévoit des obligations progressives de rénovation des bâtiments pour les Etats jusqu’en 2050. Que répondre à cette opposition de l’extrême-droite ? D’une part, le secteur du bâtiment, à travers l’énergie utilisée pour le chauffage de tous les Européens, est responsable d’environ un tiers de nos émissions annuelles de gaz à effet de serre ; sans solution sur le sujet, nous ne pourrons tout simplement atteindre ni les objectifs climatiques européens, ni ceux de l’Accord de Paris. D’autre part, les habitants des passoires thermiques sont aujourd’hui les plus exposés à la hausse significative des factures de chauffage à la suite de la guerre en Ukraine et pour le cas des locataires sont entièrement dépendants des incitations et obligations qui visent leur propriétaire. En outre, ces trois partis (AFD, Lega et Fratelli d’Italia) se sont laissé aller à de nombreuses fake news car leur critique porte sur des mesures qui en réalité… n’existent pas ! Les États auront en effet toute liberté d’exclure les bâtiments historiques s’ils le jugent utile pour ne pas abimer le patrimoine européen auquel nous sommes évidemment tous attachés ! Et il n’y a pas d’interdiction stricte sur la commercialisation de chaudières fossiles, pas plus que d’obligation à remplacer toutes les chaudières fossiles d’ici 2040. Enfin, notons que cette opposition à la rénovation thermique des bâtiments est un agenda socialement injuste de la part de l’extrême droite car les premières victimes des passoires thermiques sont celles qui souffrent des températures en hausse dans leur logement, en particulier pendant les canicules (en 2022 en France, près de 60 % des ménages ont souffert de la chaleur dans leur logement, 8 points de plus en seulement deux ans[20]) et qui, inversement, se ruinent en facture énergétique quand il fait froid. Avec l’extrême droite, elles seront condamnées à rester vulnérables et à subir cette amputation massive de leur pouvoir d’achat.

En définitive, il ne s’agit bien sûr pas de nier les enjeux, les tensions, les difficultés liées à la transition écologique, comme celles liées à toute transition quelle qu’elle soit, mais de constater l’existence de deux positions politiques qui marquent une ligne de démarcation claire : d’un côté, un positionnement obstructionniste qui conduit à renoncer à respecter tout objectif climatique, et de l’autre, des forces politiques qui tentent de dénouer méthodiquement les uns après les autres les nœuds bloquant les transitions (cadre légal cohérent, incitations financières claires, ingénierie financière adéquate pour porter les risques, protection contre les concurrence déloyales…).

c) Une porosité nouvelle entre les conservateurs de droite et les droites extrêmes : fake news, rejet de la science, l’exemple de la loi sur la restauration de la nature

Ces stratégies des extrêmes droites européennes seraient moins préoccupantes si elles ne rencontraient pas une plasticité idéologique nouvelle dans les partis conservateurs classiques en Europe. Ces derniers sont sous tension : le centre droit pro-européen a cherché historiquement à occuper un espace central qui lui assure des majorités soit seul soit en coalition. Cette stratégie est aujourd’hui percutée par la monté en puissance des partis d’extrême droite qui grignotent la frange la plus conservatrice de leur électorat. Ce qui amène certains leaders de la droite classique européenne à envisager une coalition avec l’extrême droite plutôt qu’avec le centre ou le centre gauche[21]. Quel que soit le choix politique stratégique qui sera fait dans les prochains mois après les élections européennes de juin 2024, il est clair que sur le sujet de l’obstructionnisme climatique la porosité s’est accrue entre une partie des conservateurs et les droites extrêmes.

Le Parlement européen a été le témoin d’un des exemples les plus flagrants de cette plasticité de l’écoloscepticisme entre la droite et l’extrême droite lors des débats et des votes très tendus qui ont accompagné la loi sur la restauration de la nature au cours de l’année 2023. Le PPE (qui regroupe les partis conservateurs européens), sous l’impulsion directe de son leader Manfred Weber, a mené une bataille pour le rejet de cette législation, sans tenter de négocier ni même d’amender le texte. Cette position a été rendue possible par l’unité totale entre son positionnement et celui des droites plus radicales (les groupes ID qui regroupe les partis d’extrême droite classique comme le RN, et ECR qui regroupe les partis de droite souverainiste) dont l’alliance a mis sous pression une partie conservatrice minoritaire des libéraux européens. En outre, l’irruption au mois de mars 2023 du Mouvement Agriculteurs-Citoyens (BoerBurgerBeweging/BBB) dans le paysage politique néerlandais a largement impacté les délégations parlementaires de ce pays à droite et au centre et les a également poussées à se radicaliser. Ce combat a ainsi servi de galop d’essai à une alliance entre la droite, la droite nationaliste et l’extrême droite au niveau européen, au détriment de ce qui avait fait le succès parlementaire du Green Deal depuis 2019, à savoir une alliance entre la droite, le centre et les sociaux-démocrates[22], et au cas par cas avec les Verts. Il est utile de rappeler que cette stratégie s’est soldée par un échec. Le texte a finalement été adopté en plénière même s’il a été largement modifié, et le PPE s’est lui-même divisé face à la tactique jusqu’au-boutiste de son leader et face à la stratégie d’alliance à droite. C’est d’ailleurs grâce à la division de la droite que le texte a pu passer.

En adoptant une ligne de rejet pure et simple de ce texte, la majorité du PPE a de fait copié-collé ce qui relève d’habitude des pratiques de l’extrême droite. Ainsi, l’extrême droite dépose régulièrement des motions de rejet au Parlement européen comme elle l’a fait contre la loi climat ou contre la loi sur les véhicules zéro-émission. La plupart du temps, cela est sans effet. Sauf lorsque la droite conservatrice rejoint ses positions. En faisant ce mouvement, le PPE a non seulement pesé en faveur de l’obstruction mais il a également adopté certaines pratiques généralement réservées à l’extrême droite, notamment celles de la désinformation systématique. Les fake news ont été multiples sur ce texte : on a prétendu qu’il serait interdit de construire des projets éoliens sur des zones restaurées alors que des dispositions explicites le permettent ; on a mis en avant un danger pour la sécurité alimentaire européenne à la suite de la guerre en Ukraine alors que la Commission européenne venait de publier une analyse[23] soulignant que l’approvisionnement en denrées alimentaires pour l’Europe n’était pas en risque mais qu’à moyen terme l’effondrement de la biodiversité était l’un des problèmes les plus graves pour la capacité productive de la ferme Europe ; on a affirmé que la loi obligerait à retourner à un état de la nature similaire à celui de 1950, alors qu’il s’agissait en réalité de réunir des informations sur l’état des écosystèmes forestiers, agricoles, naturelles sur les 70 dernières années, soit entre 1950 et 2020, ce dont toutes les administrations européennes disposent en partie, etc. Sur ce texte, la « Trumpisation » du PPE a été assumée par son leader, sans s’embarrasser de nuances, de véracité ou de cohérence de l’action politique. Deux exemples frappants : la CSU[24], le parti de Manfred Weber, met en œuvre lui-même en Bavière des mesures de protection de la nature similaires et parfois plus ambitieuses que ce qui est inclus dans la législation européenne ; autrement dit, ce parti conservateur démontre dans les faits que la mise en œuvre de la législation est faisable et économiquement soutenable pour les agriculteurs sans remettre en cause la sécurité alimentaire. Ensuite, le PPE a largement critiqué l’avis de près de 3.000 scientifiques qui appelaient au soutien de cette loi, une rhétorique anti-science habituellement réservée à l’extrême droite. Cette stratégie est dangereuse car elle accompagne la normalisation du discours et des méthodes d’extrême droite et leur offre une respectabilité nouvelle. Là réside l’un des dangers les plus forts de cette stratégie politique de la part du PPE, y compris pour lui-même, comme le montrent les innombrables exemples historiques où les électeurs ont toujours fini par préférer l’original à la copie.


 

2. L’écoloscepticisme  accroît nos dépendances et aiguise les injustices

Comme on vient de le voir, les visages de l’écoloscepticisme sont nouveaux car les terrains de jeu le sont également du fait des nombreuses avancées du Pacte vert européen. Mais les fondamentaux et les conséquences restent les mêmes, à savoir une idéologie de l’inaction climatique. Pour y faire face, il faut bien sûr rappeler la nécessité d’agir pour le climat, mais il faut aussi aller chercher l’extrême droite sur son propre terrain : celui de la défense des « petits » et de la souveraineté, du « take back control » affiché par la plupart de ses représentants. Et il faut montrer que s’opposer aux politiques climatiques c’est justement organiser sciemment l’absence de souveraineté de l’Europe et de la France à tous les niveaux. En un mot : c’est organiser notre soumission aux autres puissances et la fragilisation de ceux qui sont déjà les plus vulnérables.

a) L’écoloscepticisme organise la soumission européenne aux puissances fossiles

Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, les enjeux géopolitiques de notre approvisionnement énergétique ne sont plus un mystère pour personne : la grande dépendance de l’Europe à l’égard des pays producteurs d’énergies fossiles apparaît en plein jour et nous éclate à la figure. Au début de l’invasion russe, certains pays européens comme la République tchèque étaient encore dépendants à 100% de la Russie pour leurs importations de gaz tandis que l’Allemagne en dépendait à hauteur de 55%. C’est pour cela que la poursuite du déploiement du Green Deal après février 2022 a immédiatement pris une dimension géopolitique : celle du refus du chantage au gaz russe, c’est-à-dire du refus de la vassalisation énergétique. En effet, pour un continent comme l’Europe qui ne produit que très peu d’énergies fossiles et à des coûts très élevés, il est de notre intérêt vital de réduire cette dépendance au moment où elles deviennent les armes géopolitiques de nos concurrents. Or, cette bataille n’est pas partagée par les écolosceptiques issus de l’extrême droite et de la droite nationaliste. Elle ne l’est pas non plus par certains leaders de gauche ultraconservateurs comme en Slovaquie. Ils ont en effet en commun cette volonté de ne pas s’extraire de la dépendance aux carburants fossiles quitte à devoir la payer d’une soumission aux puissances fossiles étrangères. Le PiS polonais a par exemple voté systématiquement contre toutes les législations européennes issues du Green Deal, y compris après le début de la guerre en Ukraine et en dépit de sa forte défiance à l’égard de Moscou. En s’opposant à la neutralité climat, les nationalistes polonais se sont mis eux-mêmes dans le piège  de leur dépendance au gaz et au charbon russes, dénoncé d’ailleurs depuis par leur opposition de centre droit et du centre, prête à mener une politique bien plus favorable à l’action climatique depuis leur accession au pouvoir en décembre 2023, au nom justement d’une plus grande souveraineté de la Pologne vis à vis de la Russie. Dans le même temps, en Suède depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition soutenue par les Démocrates Suédois, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse pour la première fois depuis deux décennies, à rebours des efforts de sobriété du reste du continent pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine[25]. En Allemagne, l’AfD est on ne peut plus claire sur sa vision de la politique énergétique : les énergies renouvelables n’ont pas leur place dans l’avenir de l’Allemagne. Leur porte-parole au Bundestag pour les questions énergétiques Steffen Kotré ne craint pas de déclarer : « Nous avons du gaz, nous avons du pétrole. (…) Le gaz viendra à nouveau de Russie quand nous aurons trouvé un accord[26] ». Cet exemple montre le lien direct qui existe entre le négationnisme climatique de partis comme l’AfD et le positionnement pro-Poutine adopté par une grande partie de l’extrême droite (à l’exception notable des plus atlantistes du groupe ECR et notamment de Giorgia Meloni). Au-delà des concessions honteuses qu’elle implique sur le front ukrainien, une telle politique ne ferait qu’entretenir la vulnérabilité énergétique et économique de l’Europe à un moment où les différentiels de prix de l’énergie entre notre continent et le reste du monde sont la principale source de préoccupations pour notre industrie. Or, il faut le rappeler avec force : la crise des prix de l’énergie à laquelle nous avons face en Europe en 2022 et 2023 est entièrement une crise des énergies fossile (pétrole, gaz) et non une crise des énergies renouvelables ou décarbonées qui, elles, n’ont pas vu leur prix exploser depuis 2022.

Derrière ces positions se cachent néanmoins une réalité très embarrassante pour ces partis écolosceptiques : la consommation d’énergie fossile en Europe coûte une fortune à nos économies. Chaque année, ce sont près de 700 milliards d’euros[27] qui partent dans les importations d’énergie fossiles en provenance désormais principalement des monarchies pétrolières du Moyen-Orient et d’Algérie, dans une moindre mesure de Norvège. En France, cette facture s’élève à 120 milliards d’euros par an (soit 70% du déficit commercial français en 2022 !), en Allemagne à 130 milliards d’euros (facture qui a provoqué une baisse de 56% de l’excédent commercial allemand en 2022) ou encore entre 20 et 12 milliards d’euros en Pologne[28]. Des sommes considérables qui alimentent souvent des régimes autoritaires alors qu’elles pourraient très bien être redirigées vers l’investissement et le développement économique sur le sol européen. Et les partis d’extrême droite en particulier le savent ! En novembre 2023, dans une résolution parlementaire donnant des directions à la diplomatie européenne pour la COP28, le groupe ID a cherché à faire disparaître la mention de notre « dépendance aux énergies fossiles »[29]. Le groupe ID fait ici clairement le jeu des pays producteurs de pétrole et de gaz comme l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Russie. Autrement dit, en tentant de nous maintenir dans une économie dépendante des énergies fossiles, à rebours de la stratégie économique que nous déployons avec le Green Deal européen, les écolosceptiques organisent notre soumission géopolitique et économique à des forces étrangères dont nous sommes souvent très loin de partager les valeurs. S’opposer aux politiques climatiques, c’est de fait financer les compagnies pétrolières et gazières de l’Arabie saoudite et du Qatar dont les connexions avec le financement d’organisations islamistes radicales ne sont plus à démontrer[30]. Ces mêmes organisations que l’extrême droite prétend pourtant vouloir combattre….

b) Refus de la transition et sortie de l’histoire : les conséquences de l’opposition à la transformation verte de notre industrie

Cette opposition au déploiement du Green Deal est également une opposition au déploiement d’une politique industrielle verte en Europe. L’AfD et Vox lient ainsi tous deux désindustrialisation et action climatique dans leur plateforme électorale respective[31][32] au moment même où l’Union européenne se dote d’une politique industrielle grâce au Green Deal. Les partis écolosceptiques d’extrême droite au Parlement européen ont voté contre les textes législatifs renforçant le marché du carbone en Europe, créant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour assurer une concurrence loyale entre nos industries et le reste du monde, les objectifs européens rehaussés en matière d’énergie renouvelable, les nouveaux standards d’émissions pour les voitures, mais aussi contre le plan de relance post Covid et ses composantes vertes, soit un paquet de mesures qui doivent nous permettre justement d’avoir un rôle dans la compétition mondiale engagée pour la localisation des chaines de valeurs vertes. Les Américains ne font pas autre chose lorsque Joe Biden met sur la table l’Inflation Reduction Act qui lie un soutien financier public massif à des obligations de localisation pour la manufacture de batteries électriques aux Etats-Unis ou chez ses alliés. Les Chinois de leur côté investissent toujours massivement dans l’électrification de la mobilité et de l’énergie, en s’en faisant désormais à bien des titres le leader mondial.

Les partis écolosceptiques d’extrême droite ont même poussé leur incohérence anti-souveraineté jusqu’à ne pas soutenir le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) au Parlement européen[33]. Ce mécanisme égalisera les conditions concurrentielles entre les industries européennes soumises au marché du carbone européen et le reste du monde où la majeure partie des acteurs n’est pas soumise à un tel prix du carbone. C’est difficilement justifiable pour nos entreprises qui investissent massivement dans la transition climatique, mais c’est aussi difficilement justifiable alors que les mouvements d’extrême droite n’ont de cesse de critiquer les travers de la mondialisation et que le MACF permet en partie d’en reprendre les rênes en connectant les règles commerciales et les règles climatiques.

Les écolosceptiques veulent nous empêcher d’entrer dans cette compétition qui pourrait se jouer sans nous. Ils veulent aussi nous empêcher de construire les instruments climatiques qui assureront la juste concurrence entre nos entreprises et le reste du monde, et nous prémuniront contre les risques de délocalisations. La conséquence de leurs choix est une sortie de l’histoire pour l’Europe et une absence totale de souveraineté pour les Européens dans l’économie de demain car ils dépendront entièrement des Chinois et des Américains pour l’obtention des biens de l’économie décarbonnée, et des pays producteurs d’énergies fossiles pour faire tourner la dernière économie encore dépendante d’eux : la nôtre.

c) La stratégie écolosceptique menace notre souveraineté alimentaire

De la même façon, l’écoloscepticisme appliqué à l’agriculture empêche l’organisation d’une agriculture européenne réellement souveraine. Et ce pour deux raisons.

  • D’abord, il entérine la dépendance de l’agriculture européenne aux pays producteurs d’énergies fossiles et de phosphate, en particulier la Russie et les pays du Maghreb. En effet, le modèle d’agriculture dominant en Europe est un modèle intensif qui est très dépendant des intrants de synthèses pour fonctionner car la fabrication des pesticides et des engrais nécessite beaucoup de matière première fossile (de gaz en particulier). Ce lien direct entre gaz et engrais explique en grande partie l’augmentation des prix alimentaires qu’a connue l’Europe au début de la guerre en Ukraine, avec des taux d’inflation pour des pays comme la Hongrie qui ont pu atteindre plus de 50%, frappant de plein fouet les familles les plus vulnérables. L’un des moyens de réduire cette dépendance est à la fois de soutenir l’émergence de filières de production européenne d’engrais verts[34] pour remplacer les engrais de synthèse. Toutefois, que constate-t-on du côté des écolosceptiques qui prétendent vouloir défendre la sécurité alimentaire en Europe ? Qu’ils n’ont justement pas soutenu les législations européennes en faveur de l’émergence d’une industrie des engrais verts comme le MACF et le marché du carbone qui rend plus compétitifs ces engrais face à leurs concurrents carbonés ;

Cette approche à courte vue compromet notre sécurité alimentaire et, renforce notre dépendance à des acteurs étrangers. C’est donc le contraire d’un agenda de souveraineté alimentaire européen !.

Ensuite, il entérine la dépendance aux importations agro-alimentaires. Si l’agriculture européenne est une puissance exportatrice, elle n’est pourtant pas autonome pour la consommation protéique des Européens[35]. Autrement dit, pour répondre à nos besoins alimentaires journaliers, nous ne produisons pas suffisamment de denrées et de produits destinées à l’alimentation humaine, car une très grande partie des surfaces agricoles européennes sont utilisées pour l’alimentation animale (près des deux tiers de notre surface agricole utile et de notre production de céréales). La défense à tout prix des modèles industriels intensifs comme le font les écolosceptiques empêche de répondre aux enjeux économiques d’un secteur en difficulté (le secteur bovin et le secteur de la volaille en particulier) et aux enjeux de souveraineté de notre production. Pour dépolariser le débat et atteindre ces deux objectifs, il convient, non pas de lutter contre l’élevage, mais de permettre un retour bien plus important de la polyculture dans le cas de l’élevage bovin notamment. Concernant la production et la consommation de viande, la bonne doctrine n’est donc « pour ou contre » mais bien quelle viande veut on produire et consommer ? De la viande issue de modèle extensif de polyculture élevage et de la viande issue d’exploitations cohérentes avec les objectifs environnementaux et climatiques européens, ou de la viande dépendante des importations d’Ukraine, de Thaïlande ou du Brésil, et d’importations significatives de soja, notamment du Brésil et des Etats-Unis, pour nourrir le bétail. La saucisse de porc prise en exemple par Markus Söder, leader de la CSU, comme l’idéal type de l’alimentation traditionnelle locale est en fait une saucisse dont les boyaux sont produits en Chine et fabriquée à partir de porcs qui ont été nourris d’aliments importés du Brésil ! C’est le produit mondialisé par excellence !

d) L’obstruction anti-ecologique fragilise ceux que l’extrême droite prétend protéger

L’inaction climatique et environnementale de l’extrême droite écolosceptique (qu’elle soit ouvertement assumée ou qu’elle prenne la forme d’un obstructionnisme de fait) a des conséquences très concrètes en termes de non préparation aux événements climatiques qui se multiplient. Et les premières personnes à en pâtir sont et seront… les électeurs principalement visés par l’extrême droite ! Prenons quelques exemples concrets.

En s’opposant à la lutte contre l’artificialisation des sols, l’extrême droite écolosceptique renforce la vulnérabilité de nos territoires, y compris de notre agriculture. Les inondations dans le Pas-de-Calais en France de la fin de l’année 2023 ne font pas uniquement suite à des précipitations exceptionnelles mais aussi aux conséquences de l’artificialisation des sols et à de mauvais choix de planification urbaine selon les spécialistes[36]. Or, le RN et une partie de la droite française s’opposent becs et ongles à la mise en place de la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN)[37]. Le Pas de Calais étant un département où le vote RN se situe à un niveau élevé, c’est un exemple intéressant montrant à quel point les propositions et les combats anti-écologiques du RN desservent l’intérêt des plus vulnérables sur ces territoires. Pour les (nombreux) producteurs de betteraves du département français qui n’avaient pas encore arraché leur récolte avant novembre dernier, le message est difficilement acceptable. De même, lors des récents mouvements agricoles, l’extrême droite n’a eu de cesse de vilipender l’agenda européen du Green Deal (alors même qu’il est pour la plupart des textes pas encore en vigueur) tout en ignorant ou minimisant le fait que les enquêtes d’opinion font ressortir une incompréhension face à certaines mesures écologiques, mais aussi et surtout une volonté de défendre le modèle de l’agriculture de petite et moyenne taille à la française via un rééquilibrage des relations commerciales, de meilleures prises en compte des intérêts des petits producteurs face aux plus grandes exploitations dans le débat public, la lutte contre la volatilité des prix agricoles, etc. autant de sujets superbement ignorés par le RN en France et qui constituent pourtant le cœur de la demande de protection de nos agriculteurs.

En Allemagne, l’AfD nie la réalité du changement climatique et prône en conséquence l’inaction, alors même que les épisodes climatiques extrêmes sont en partie à l’origine des graves inondations qui ont touché la Basse Saxe à la fin de l’année 2023, frappant un électorat que l’AfD comme l’ensemble des écolosceptiques espèrent capter : les agriculteurs. Il en est de même en Italie, où les écolosceptiques au pouvoir n’hésitent pas à mettre en œuvre une politique obstructionniste vis-à-vis du Green Deal européen, et notamment de l’agenda de transition agricole, alors que le volume de production des cultures agricoles est dans tout le pays structurellement en baisse à cause de l’aggravation du changement climatique selon leur propre analyse (-3,7% en 2022)[38]. On pourrait aussi prendre l’exemple de VOX au pouvoir en coalition avec le Partido Popular en Andalousie qui pourfend la religion du climat et promeut l’inaction alors que 50% de la production d’huile d’olive du pays a été perdue en raison du manque d’eau structurel depuis 3 ans, alors même qu’il s’agit de l’une des activités économiques les plus importantes de cette communauté autonome espagnol… Une fois de plus, l’écoloscepticisme de l’extrême droite conduit à une fragilisation croissante d’une partie de la société qui est pourtant aujourd’hui largement tentée par ce vote.

La même logique s’applique lorsque les écolosceptiques de l’extrême droite s’opposent aux mesures européennes de rénovation thermique comme nous l’avons vu plus haut, alors que les plus vulnérables (classes populaires, personnes âgées) sont les catégories les plus représentées dans les passoires thermiques et souffrent le plus de la chaleur en été et des factures énergétiques très élevées en hiver.

e) Migration et migration climatique : la stratégie écolosceptique aggravera le problème.

Même sur le sujet migratoire, le positionnement écolosceptique de l’extrême droite va à l’encontre de l’objectif de souveraineté. Chaque année, 21,5 millions d’individus sont obligés de partir de chez eux à cause des catastrophes climatiques ; d’ici 2050, ce sont entre 140 et 250 millions de personnes qui pourraient être déplacées dans le monde à cause de l’inhabitabilité de leurs lieux de vie du fait du changement climatique[39] ; certaines études parlent même de 1,2 milliards de personnes déplacées d’ici 2050 pour ces mêmes raisons. Aujourd’hui, ces déplacements existent bien sûr déjà et sont principalement des mouvements sud-sud qui déstabilisent les pays en question, mais il est difficile d’imaginer que sur le long terme les impacts sur les mouvements sud-nord soient inexistants. Les pays qui sont frappés par cette insoutenabilité climatique deviennent instables ce qui ouvre la voie à toute sorte de conflictualité générant davantage de migrations locales et internationales, au détriment premier des personnes concernées, puisque le premier des droits est de pouvoir vivre chez soi en sécurité sans être forcé à la migration.

La stratégie de l’autruche, que ce soit par déni climatique ou par obstructionnisme vis-à-vis des mesures pour y remédier, entre en contradiction directe la maitrise mondiale des flux migratoires forcés. Or, il est impossible de répondre à ce défi en refusant de respecter et de promouvoir les Accords de Paris. Ce serait pourtant la conséquence de la mise en œuvre du projet de l’extrême droite écolosceptique. S’opposer à l’action climatique, c’est donc augmenter les conséquences du dérèglement climatique et donc le nombre de migrants climatiques potentiels. Au nom des valeurs qu’ils sont censés représenter, les partis d’extreme droite devraient donc logiquement être les premiers à vouloir agir pour le climat. C’est évidemment l’inverse de ce qu’ils font au mépris des besoins et des intérêts de leur propre électorat… et bien sûr au mépris du respect des droits des personnes à vivre chez elles sans être contraintes de migrer en raison des sécheresses, des événements météorologiques extrêmes, etc. Autant de conséquences funestes du changement climatique.

Les écolosceptiques sont donc bien le nouveau visage des climatosceptiques historiques. Leurs positionnements comme leurs discours marquent une différence de degré mais pas de nature dans le déni climatique. Même lorsque les partis d’extrême droite ou proches de cet écoloscepticisme prétendent vouloir s’attaquer à la crise climatique, l’examen de leurs propositions ne laisse pas aucun doute sur leur imposture. Pire, leur discours sur notre souveraineté est en fait un leurre car la mise en œuvre de leurs propositions provoquerait en réalité une dépendance accrue de l’Europe en matière migratoire, alimentaire, industrielle et géopolitique. Leur projet est un projet de soumission. Ne lui cédons rien.


[1] https://www.afd.de/europawahlprogramm2024/ p.40

[2] La BCE a démontré les écarts entre les risques climatiques et la couverture assurantielle qui est pour certains pays européens inférieur à 5 %. Conséquence : « Certains assureurs pourraient de surcroît être tentés de réduire la couverture des risques climatiques, voire de cesser complètement de les proposer, ce qui aurait pour effet de creuser davantage le déficit assurantiel ». https://www.ecb.europa.eu/pub/financial-stability/climate/html/index.en.html

[3] https://www.ecb.europa.eu/press/blog/date/2023/html/ecb.blog230608~5cffb7c349.en.html

[4] https://www.svd.se/a/WRRx3g/sd-ledamot-positivt-att-det-blir-varmare

[5] Vote d’une partie du groupe ID, dont le RN, contre la partie du paragraphe soulignée ci-après : « Stresses that climate goals cannot be achieved without the support and involvement of the public, including young people; calls on all Parties to raise awareness of climate change and related issues, combat misinformation and work with public representatives, including non-governmental organisations, to gain public support for mitigation and adaptation measures » – https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/PV-9–2023–11–21-RCV_EN.pdf (p. 195)

[6] https://rassemblementnational.fr/documents/projet/projet-lecologie.pdf « La France répondra aux engagements de l’Accord de Paris, par les moyens qu’elle aura choisis, au rythme et selon les étapes dont elle aura décidé. Elle appréciera chaque année sa trajectoire de réduction carbone, en fonction des trajectoires des autres pays et de la volonté des Français et de leur qualité de vie ».

[7] Par exemple, le discours de Steffen Kotré au Bundestag en juillet 2023, porte-parole de l’AfD sur les sujets énergie au Bundestag https://de.openparliament.tv/media/DE-0200116088?documentID=11939&context=proceedingsReference&sort=date-desc « En plus de cette idiotie puérile selon laquelle l’efficacité énergétique pourrait être atteinte par le biais d’objectifs, nous avons ici de nouveau affaire à un abandon de l’économie de marché ; car, comme nous l’avons dit, les entreprises s’occupent elles-mêmes de l’efficacité énergétique, surtout dans le contexte des coûts énergétiques déjà élevés. »

[8] Par exemple : « Nous sommes du côté de la protection de l’environnement et nous refusons par exemple la destruction des forêts pour l’installation d’éoliennes. Nous ne sommes pas non plus en faveur des monocultures pauvres en espèces pour les biocarburants. – Jörg Urban, porte-parole pour l’environnement et président du groupe parlementaire de l’AfD en Saxe. » – https://www.mdr.de/wissen/uni-leipzig-green-deal-rechte-parteien-100.html

[9] https://dserver.bundestag.de/btd/20/084/2008417.pdf et https://www.bundestag.de/presse/hib/kurzmeldungen-966976 « La protection du climat est un concept politique de combat, le climat ne peut pas être 'protégé', l’influence humaine sur le climat est controversée ». Les députés de l’AfD demandent au gouvernement fédéral de mettre fin le plus rapidement possible à tous les accords et conventions internationaux qui imposent des obligations à la République fédérale d’Allemagne en matière de « protection du climat » ou de réduction des émissions de CO2, et de ne plus prendre d’engagements futurs dans ce domaine. Toutes les dépenses du budget fédéral liées à la protection du climat, en particulier les paiements effectués à l’étranger à cet effet, ainsi que tous les paiements directs (budget fédéral) ou indirects (par le biais d’organisations intermédiaires gouvernementales ou semi-gouvernementales) à des organisations non gouvernementales liées à la protection du climat et/ou de l’environnement, doivent être supprimés immédiatement et sans remplacement, conformément au traité. A la place, des mesures doivent être prises pour s’adapter au changement climatique général, qui est dominé par des facteurs naturels, car de telles mesures sont « non seulement beaucoup plus efficaces – donc plus ciblées – mais aussi liées à des dépenses substantiellement moins élevées ».

[10] https://www.vlaamsbelang.org/sites/default/files/2024–02/Mfr%20abolishing%20the%20Green%20Deal.pdf

[11] Programme AfD 2024, p. 34.

 [12] affirmation largement fausse comme l’on démontré de nombreuses études : https://www.carbone4.com/analyse-faq-voiture-electrique

[13] https://www.reuters.com/markets/deals/volkswagen-umicore-venture-picks-poland-first-car-battery-parts-plant-2023–10–07/  

[14] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/le-vrai-du-faux-y-a-t-il-assez-de-bornes-de-recharges-pour-les-voitures-electriques-en-france_5936081.html

[15] https://www.voxespana.es/noticias/vox-recuerda-en-pozoblanco-que-es-el-unico-partido-inmerso-en-la-defensa-del-consumo-de-carne-y-leche-frente-a-los-ataques-de-sanchez-20220525?provincia=cordoba

[16] https://www.euractiv.com/section/politics/news/more-than-one-in-three-slovaks-believe-in-eu-insect-mandate/

[17] https://www.rfi.fr/fr/podcasts/chronique-des-mati%C3%A8res-premi%C3%A8res/20230511-en-espagne-la-s%C3%A9cheresse-affecte-consid%C3%A9rablement-la-production-d-huile-d-olive

[18] Les députés européens du groupe ID n’ont pas soutenu la loi européenne sur la décarbonation du secteur : ils se sont soit abstenus soit ont voté contre. De même pour les députés européens du groupe ECR : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/PV-9–2022–07–07-RCV_EN.pdf p.65 et 66

[19] « L’interdiction prévue des chaudières au fioul et au gaz est une grave atteinte aux droits de propriété et aux droits fondamentaux des citoyens, que l’AfD combat politiquement » (programme AfD, p.40) et « L’AfD lutte contre les efforts de l’UE visant à autoriser uniquement la construction d’habitations dites climatiquement neutres à partir de 2030. De même, nous rejetons l’objectif irréaliste de transformer à moyen terme l’ensemble du parc immobilier de l’UE pour qu’il soit neutre en termes d’émissions. (…) L’AfD s’oppose à l’obligation, à l’échelle de l’UE, d’installer des panneaux solaires sur les toits des habitations neuves ou rénovées et des installations industrielles. Avec l’AfD, il n’y a pas d’obligation européenne de rénovation des bâtiments prétendument inefficaces  » (programme AfD p. 34).

[20] https://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-publications/communiques-de-presse/la-precarite-energetique-dete-une-nouvelle-forme-de-mal

[21] Par exemple : https://www.ansa.it/english/news/politics/2023/08/07/meloni-and-fdi-are-different-to-afd-says-weber_0d6ebcfd-1d8f-4996-ae88–4af64da12b74.html Manfred Weber le leader du PPE multiplie les rapprochements avec Fratelli d’Italia par exemple tandis que son groupe politique au Parlement européen vote régulièrement comme le groupe ID où siège l’AfD et le RN.

[22] Ce qui est désigné au niveau européen sous le terme de la « majorité von der Leyen » du nom des groupes parlementaires ayant soutenu l’actuelle présidente de la Commission européenne lors de son investisture : Parti Populaire Européen, Renew, Socialistes&Démocrates.

[23] https://commission.europa.eu/publications/analysis-main-drivers-food-security_en

[24] Parti dont est issu le président du PPE Manfred Weber. Partenaire bavarois de la CDU.

[25] https://www.klimatpolitiskaradet.se/wp-content/uploads/2023/03/klimatpolitiskaradetrapport2023.pdf

[26] Passage dans l’émission télévisée de Markus Lanz le 25 mai 2023.

[27] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=EU_imports_of_energy_products_recent_developments&oldid=554503#Overview

[28] https://de.statista.com/statistik/daten/studie/151081/umfrage/importe-von-erdgas-und-rohoel-nach-deutschland/

[29] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/B-9–2023–0458-AM-010–014_FR.pdf (amendement 10)

[30] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_19_781

[31] « La prospérité qui diminue déjà aujourd’hui et notre incapacité à affronter l’avenir sont une conséquence directe de la décarbonisation menée pour des raisons purement politiques. » (programme 2024, p. 40)

[32] « Nous mettrons fin aux fermetures soudaines d’installations industrielles et énergétiques causées par l’imposition de la nouvelle religion climatique. L’Espagne doit adapter le calendrier de la transformation vers une économie plus propre sans mettre en danger les emplois espagnols et en gardant à l’esprit l’intérêt national » – programme élections générales 2023, p. 117 – https://www.voxespana.es/programa/programa-electoral-vox

[33] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/PV-9–2023–04–18-RCV_FR.pdf (p. 14 et 15) : le RN et la Lega se sont abstenus, Vox, l’AfD et Reconquête ont voté contre.

[34] Des projets d’engrais verts comme ceux portés par l’entreprise Yara sont en train de se développer en Europe par exemple et nécessitent à la fois des investissements très important et un prix du carbone lui-même significatif pour être compétitifs.

[35] https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/etude/une-europe-agroecologique-lhorizon-2050-quel-impact-sur

[36] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/03/inondations-dans-le-pas-de-calais-l-eau-est-tetue-elle-suit-la-pente_6208913_3244.html

[37] https://www.liberation.fr/environnement/zero-artificialisation-nette-laurent-wauquiez-annonce-que-la-region-auvergne-rhone-alpes-se-retire-du-dispositif-20230930_ZQADTDBMLVBY5MJYFUF7PIOLGU/

[38] https://www.crea.gov.it/documents/68457/0/ITACONTA+2022_ING+DEF+WEB.pdf/4c230436-da29–7e4f-490a-ba5bd4562868?t=1684492172282 (p. 30)

[39] https://www.bruegel.org/blog-post/climate-migration-what-do-we-really-know

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